Les ports en Algérie sont gérés selon un modèle économique totalement en déphasage avec les évolutions mondiales. Le dispositif portuaire actuel ne fait que régresser la gestion portuaire au lieu de la faire évoluer. » Abdelkader Boumessila, consultant en management maritime, sait de quoi il parle, lui qui a été à la tête de l'Entreprise portuaire de Béjaïa pendant plusieurs années. Intervenant hier lors d'une conférence-débat organisée par le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (CARE), M. Boumessila a dressé un tableau noir relatif au système portuaire algérien. L'infrastructure portuaire, réalisée entre 1848 et 1900, demeure obsolète, selon lui. Idem pour l'organisation managériale d'ailleurs mal adaptée. « Ils (ports, ndlr) ne possèdent pas les caractéristiques compatibles avec le management portuaire mondial. Le drame est que notre économie souffre de l'involution du dispositif portuaire. Cela agace l'économie et la dégrade », affirme-t-il. Evoquant à titre d'exemple la gestion des ports en Algérie, l'intervenant qualifie de « mauvaise » l'expérience du port de Djendjen. Des coûts exorbitants « Des experts ont averti le gouvernement de l'époque contre les aléas que représentent les ressacs dans cette région. La Banque mondiale a proposé aux autorités de surseoir à la réalisation dudit projet. Les autorités ne l'entendaient pas de cette oreille. Une fois réalisé, on ne savait même pas à quoi allait servir ce port. Ceci alors qu'on disait qu'on allait faire une belle plateforme portuaire. En réalité, il n'y avait aucune stratégie claire », raconte cet expert en management portuaire. Pour étayer ses propos, M. Boumessila souligne que le niveau du trafic portuaire hors hydrocarbures reste dérisoire avec seulement 35 millions de tonnes en 2009. Les opérations d'importation engendrent aussi des coûts exorbitants. L'Algérie importe annuellement l'équivalent de 25 000 t en céréales à raison de 100 dollars/tonne. Ce qui induit, selon lui, des coûts outranciers. Pis encore, révèle l'orateur, les déperditions en céréales importées s'élèvent à 5% par an. « Cela dure depuis 40 ans. Nous sommes incapables d'assurer notre trafic », déplore-t-il. Même le coût du fret reste démesuré. A titre d'illustration, le fret entre l'Algérie et l'Asie coûte 3000 dollars, alors qu'il est de l'ordre de 1500 dollars entre les pays de l'Europe et l'Asie. Les 10 ports algériens ont pu traiter seulement 10 502 navires en 2009. « On capte très peu de trafic », constate le conférencier. Cela s'est également répercuté sur le volume des exportations en hydrocarbures avec une baisse de 18% en 2009, a-t-il fait savoir. Evoquant le cas des concessions portuaires accordées à Dubaï World, l'orateur souligne qu'il est quasi impossible de se placer en Méditerranée avec un tel dispositif hors champ. D'après lui, l'Algérie doit engager des efforts de modernisation de son dispositif portuaire à travers la réalisation d'au moins trois ports de taille mondiale. Une modernisation qui devra être accompagnée par un système de communication efficace et une infrastructure viable. « Le monde bouge, il faut que nous changeons aussi », plaide-t-il, non sans rappeler que le Maroc, avec son Tanger-Med, ainsi que d'autres pays méditerranéens sont en train de réaliser des performances des plus enviables.