Dans le cadre des commémorations du premier anniversaire de la révolution citoyenne du 22 février, les membres de la diaspora algérienne en Europe, singulièrement en France, ont battu le pavé, dimanche dernier à Paris. Répondant à l'appel pour « le départ définitif et effectif du régime et de tous ses acolytes », lancé par une trentaine de collectifs, d'associations et de partis politiques, ils étaient des milliers (au moins 10 000 selon les organisateurs) à défiler entre les places République et Bastille dans une ambiance aussi solennelle que festive. « Il y a un an, le peuple algérien a repris l'initiative historique, il s'est soulevé contre un cinquième mandat du président déchu. Depuis, jour pour jour, et ce, malgré les arrestations arbitraires, les provocations, les tentatives de division, les manœuvres et les intimidations, les Algériennes et les Algériens ont su garder leur cap, celui d'un changement radical du système en place depuis l'indépendance », a rappelé l'un des militants du Hirak parisien, lisant la déclaration commune précédant le début de la marche unitaire. Tout en saluant le rôle précurseur de la population de la ville historique de Kherrata, d'où « le vent de liberté a soufflé en 2019 pour revendiquer la fin du règne de Bouteflika et a tracé la voie de la mobilisation au reste du pays », l'orateur a souligné la contribution de la diaspora, « partie intégrante du peuple algérien et fidèle au combat historique pour la démocratie », dans le processus révolutionnaire en cours. Selon lui, le « coup d'Etat contre la révolution populaire » et le « pseudo-débat que mène le régime concernant la révision de la Constitution » ne dissuaderont pas le peuple de renoncer au « recouvrement de sa souveraineté » et d'exiger « une transition démocratique pour le passage effectif à la nouvelle République ». Il conclut : « Pour nous, la solution réside dans le départ inconditionnel et complet du système ». Les manifestants ont scandé, dès le départ du cortège, les slogans hirakistes incontournables dans la diaspora habituels : « Kherrata bravo à vous, on est fier de vous », « Généraux assassins, Macron complice », « On a dit, El-Isaba dégage » ou encore « Libérez nos détenus ». Parmi les marcheurs, une dizaine d'activistes portaient des gilets de sauvetages et tiraient la maquette d'une barque de fortune en signe d'hommage aux haragas disparus en mer. « Ici reposent les jeunes algériens ! », lit-on en arabe sur une pancarte accrochée en étendard sur le petit bateau. Cette énième grande mobilisation du Hirak parisien a été renforcée par la présence de nombreux compatriotes et collectifs citoyens établis dans différentes villes de France (Angers, Angoulême, Lille, Nantes, Rennes, Strasbourg, Toulouse, etc.) et d'Europe (Bruxelles/Belgique, Genève/Suisse, Londres/Grande-Bretagne, etc.). La manifestation a été marquée également par la participation de plusieurs personnalités politiques, toutes tendances confondues. À noter particulièrement la présence de Sadek Hadjerès. Malgré ses problèmes de santé, l'ancien cadre du PPA-MTLD et ex-leader communiste (PCA et PAGS) a tenu à partager « ce moment de joie et de fierté avec nos compatriotes qui luttent pour la libération politique, économique et sociale de notre pays ». Il place ce genre d'actions dans le mouvement global provoqué par le Hirak, qualifié de « grand rassemblement patriotique, démocratique et pacifique », qui a permis la « convergence de tous les courants et sensibilité idéologiques qui, malgré leurs différends, se sont mis d'accord sur l'objectif de mener ensemble le combat pour la liberté et la démocratie en Algérie ». De passage dans la capitale française, Saïd Khelil n'a pas voulu non plus raté l'occasion de vivre un « moment historique et symbolique ». L'ancien animateur du MCB et ex-dirigeant du FFS explique : « Quand je vois ce beau monde, je pense directement au mouvement de libération nationale, qui est parti d'ici avec la création de l'Etoile nord-africaine en 1926. Nos compatriotes qui vivent en France, et à l'étranger d'une manière générale, sont une partie prenante de notre révolution triomphante ». Faisant le parallèle avec ce qui se passe au pays, il énonça certaines caractéristiques du mouvement contestataire qui permettent de « rester optimiste et de garder espoir » : implication de la jeunesse, mobilisation multisectorielle, temps long, unité et pacifisme. « Le peuple reste imperturbable et ne veut pas céder aux sirènes de la défaite et de l'abandon. Il y a déjà beaucoup de satisfaction au bout d'une année de mobilisation, qui en soi n'est pas rien, durant laquelle on a vu renaître la solidarité et la fraternité entre tous compatriotes. C'est pourquoi, moi, je vois dans cette révolution inédite une victoire, rien d'autre. Le peuple s'est réapproprié la volonté de participer activement au changement, et pour le faire il a inventé son propre mode opératoire », se réjouit-il. Toujours à l'occasion de la célébration de l'« an un » de la Révolution du sourire, les actions de la diaspora se poursuivent. Des activistes et des collectifs citoyens ont lancé un appel à une nouvelle marche à Paris pour samedi prochain, le 22 février 2020. Paris, De notre correspondant.