Ahmed Madi, président du Syndicat des éditeurs du livre(SNEL), tire la sonnette d'alarme sur «l'effet coronavirus» dévastateur sur l'édition et la chaîne du livre. Les éditeurs, les imprimeurs, les librairies, les distributeurs sont à l'arrêt. Le livre numérique s'impose ainsi que d'autres mesures d'urgence Entretien réalisé par K. Smail
-Une grande et alarmante inquiétude gagne les éditeurs du livres, depuis trois mois, marquée par la crise sanitaire due à la pandémie du coronavirus… Oui, effectivement, une grande inquiétude est palpable chez les éditeurs du livre, les libraires. Elle est grandissante. Déjà que le secteur de l'édition éprouve d'énormes difficultés, il est miné par un coronavirus, avant l'heure, dont la contamination a été entretenue pas les décideurs culturels de la «issaba» (le gang du régime de Bouteflika). Ceux qui sont en détention aujourd'hui ou justiciables actuellement. Ils nous mentaient en avançant l'alibi de l'austérité. Alors que les fonds ont été détournés de leur vocation initiale. Depuis, trois mois, l'industrie du livre est à l'arrêt. Les éditeurs, les imprimeurs et les imprimeries, les librairies, les distributeurs sont à l'arrêt. Mais malgré cette situation alarmante, tant bien que mal, nous continuons à rétribuer nos salariés, nos employés. Nous n'avons pas le droit de les mettre au chômage. Le personnel des éditeurs privés et étatiques est estimé à 5 jusqu'à 500 employés (ANEP, ENAG, OPU…).Ces derniers ont des familles auxquelles ils subviennent. Ils sont considérés comme des membres de la famille. Nous nous arrangeons. Mais combien de temps allons-nous résister à cette situation déficitaire ? On ne peut pas non plus interpeller uniquement le ministère de la Culture. Sont concernés, les ministères de l'Education, l'Enseignement Supérieur, la Jeunesse et des Sports dont les maisons de la Jeunesse abritent des bibliothèques, un coin livresque… -Les décideurs culturels, le gouvernement est interpellé… Personne au gouvernement n'évoque la crise du livre. Et en particulier le ministère de la Culture qui est concerné au premier chef. Nous avons 48 wilayas, 48 directions de la Culture, 48 bibliothèques principales à travers le territoire national. Toutes ces structures possèdent un fonds réservé à l'achat de livres. Elles peuvent soutenir le livre en achetant des ouvrages multidisciplinaires. Pour soulager un peu la condition des éditeurs, imprimeurs, distributeurs et bien sûr les libraires. L'édition se trouve dans un état «comateux». Nous ne pouvons pas tenir encore plus. Sinon, nous allons déclarer faillite, si nous continuons à ce rythme. -Il faudrait un plan d'envergure, d'urgence… L'Etat devrait octroyer un crédit sans intérêts par rapport à la chaîne du livre. Pour éviter la faillite, la banqueroute et continuer à œuvrer dans le secteur du livre. Chaque éditeur devrait bénéficier d'un crédit exonéré alloué dans le cadre du soutien et la promotion du livre. Dans ce confinement, l'universitaire, le lycéen, l'écolier, le citoyen lambda a besoin d'un livre, d'un manuel scolaire, d'un ouvrage didactique, d'un roman… Le ministère de la Culture devrait donner une instruction claire et transparente à cet effet. L'Etat devrait encourager cette proposition, cette mesure. Il faut rappeler, qu'il s'agit d'un crédit, d'un emprunt. Ce n'est pas une donation. -Les éditeurs vont inévitablement revoir leurs sorties de livre à la baisse…Voire même les reporter à l'année prochaine ? L'année 2020, est une année blanche pour les éditeurs, les imprimeurs sont à l'arrêt et les librairies sont fermées ou vides. Une menace pèse sur eux. Les distributeurs sont à l'arrêt aussi. Ils ne peuvent pas se déplacer avec les mesures strictes de confinement depuis trois mois. Une perte de chiffre d'affaires énorme. Ils sont déficitaires à 100%. Et les éditeurs des ouvrages parascolaires à 200%. Parce que les écoles sont fermées. Il faudrait créer une nouvelle politique culturelle. Le soutien de l'Etat est essentiel. Ce n'est pas de la «mendicité». L'Etat est un partenaire et nous lui faisons confiance sur ce volet portant sur la crise de la chaîne du livre. -La pandémie du coronavirus a été un accélérateur du livre numérique en Algérie… Récemment, on a procédé à une étude portant sur le livre numérique. Mais il faut une loi ferme. L'éditeur et l'auteur doivent être protégés. Là, l'Office national des droits d'auteurs (ONDA) est concerné. Il y a aussi le problème du e-payment qui surgit, la carte de crédit. Il faudrait un nouveau mécanisme bancaire ou autres concernant le payement électronique et notamment à travers Amazon. Personnellement, je concerte des éditeurs algériens et étrangers sur l'effet «Coronavirus» sur le livre et celui numérique. Une réflexion commune. Nous pensons à une tribune, une plateforme livresque numérique, une proposition de l'Union des éditeurs arabes dont nous sommes membres. Un salon numérique où on peut commander et acheter un ouvrage d'un auteur algérien, marocain, syrien, égyptien…