Quel est l'avenir du Liban », c'est à cette question complexe qu'a tenté de répondre le journaliste historien libanais Samir Kassir, dimanche, lors d'une conférence-débat organisée à Abu Dhabi, en présence des ambassadeurs libanais, français et algérien. L'intervenant a d'emblée décliné Beyrouth dans tous ses états. D'abord comme une ville de modernité et une métropole économique et culturelle durant les trente glorieuses années puis comme une cité « hybride » partagée entre l'Europe et l'Orient à la fin du XIXe siècle. Plusieurs raisons ont plaidé pour cette déliquescence, selon l'interlocuteur : « L'absence de démocratie, d'indépendance réelle dans le monde arabe et la culture de la mort et de la violence. » Cependant, a-t-il ajouté : « La population libanaise a gardé sa fougue et son enthousiasme, et ce, malgré un régime policier dur et une présence militaire et sécuritaire syrienne qui complique les choses. » Et d'indiquer que « les Libanais sont prêts à accepter la complexité de la situation, même si la force des syndicats d'antan a été laminée et que la presse en général accuse un retard en terme de liberté ». Samir Kassir pense que les événements que traversent actuellement son pays conduiront fatalement à une « nouvelle renaissance et à la démocratisation du monde arabe ». « Sinon, comment peut-on expliquer les milliers d'hommes et de femmes qui occupent quotidiennement la place des Martyrs en plein centre de Beyrouth et qui manifestent pacifiquement pour la vérité sur l'assassinat de Hariri, la liberté et la démocratie. Ce qui se passe au Liban est une première dans le monde arabe et risque de faire tache dans d'autres pays. » Pour le conférencier, la fin de l'occupation israélienne du sud du Liban en 2000 puis la mort du président syrien Hafedh Al Assad ont accéléré les événements politiques dans le pays et ouvert une brèche pour les réformes et le changement. « La bataille pour l'indépendance est finie, estime Samir Kassir. Elle est maintenant derrière nous avec la sortie des Syriens. Plus grande, la bataille qui nous attend est celle de la démocratie, et les jeunes sont peut-être la garantie contre toute dérive totalitaire ou monopole du pouvoir. » Mais un autre problème semble préoccuper l'historien, à savoir la question de la citoyenneté dans un Liban multiconfessionnel où la religion jouit d'un poids certain dans les rapports politiques et sociétaux. « Il faut que les institutions religieuses quittent le terrain politique et que les idées confessionnelles soient mises définitivement de côté » Et d'enchaîner : « Ce qui se passe aujourd'hui en est la preuve vivante. Nous voyons des jeunes chiites unis avec des chrétiens et des druzes pour des objectifs communs, c'est dire que la religion perd de la vitesse au détriment de la citoyenneté et de la démocratie. » Rappelons enfin que Samir Kassir est l'auteur de plusieurs ouvrages sur le Liban et le monde arabe. On peut citer entre autres La guerre au Liban, Histoire de Beyrouth paru en 2003 et Considération sur le malheur arabe, édité en 2004. Kassir est éditorialiste au journal arabe Al Nahar (le jour), il est professeur de sciences politiques à l'université Saint Joseph de Beyrouth.