C'est une rentrée sociale des plus difficiles qui attend l'équipe dirigeante tant se sont sédimentés une multitude de lancinants problèmes, soit liés à la propagation de la Covid-19, soit héritage des bouleversements politiques liés à la chute de Bouteflika, ou enfin le résultat de fâcheuses décisions enregistrées ces derniers mois. Sans conteste, c'est le traumatisme social de la population qui est la plus lourde séquelle : bien visibles, des dizaines de milliers de ménages algériens ont sombré dans la précarité suite aux mesures gouvernementales de confinement. L'emploi a disparu ou s'est raréfié, le pouvoir d'achat a drastiquement baissé, des entreprises par centaines ont sombré dans la faillite ou perdu leurs parts de marché. L'économie du pays a plongé, les ressources de l'Etat avec et la survie de l'Algérie n'a pu être assurée que grâce aux réserves de change disponibles à l'extérieur du pays, qui ont pu permettre la disponibilité de produits de base. Le second héritage se manifeste par des guerres incessantes de clans de l'ancien régime – y compris le pouvoir de la transition –, visibles dans les tribunaux par-devant lesquels ont défilé des dizaines de très hauts responsables de l'ère Bouteflika et plusieurs oligarques, qui se sont enrichis indûment ou se sont rendus coupables de collusion politico-financière avec la galaxie du chef de l'Etat déchu. Les comparutions devant les juges, les révélations des uns et des autres ont mis à nu l'ancien système, mais les secrets n'ont pas été tous levés. Les prochains mois pourraient nous apprendre beaucoup de choses si tant est que l'information ne soit pas être bridée. Le devoir de vérité sur les vingt dernières années est essentiel pour que l'Algérien sache comment et pourquoi près de 1000 milliards de dollars ont été dépensés sans que le pays n'avance d'un pas. Et fondamentalement pour qu'il saisisse le sens profond du retard démocratique de son pays, qui perdure à ce jour. Le renouvellement du pouvoir politique, à la faveur de l'élection présidentielle du 12 décembre 2019, n'a pas signé la fin du règne des anciens clans. Agissant dans l'ombre, surtout par le biais de relais tapis dans les institutions, ils s'attellent principalement à stopper le sens de la révolution lancée par le hirak, qui a effacé à tout jamais les Bouteflika de la scène politique. Dans la foulée, ces résidus de l'ancien régime n'hésitent pas à contrecarrer la démarche, voire les intentions des nouvelles autorités conduites par Tebboune. Ils se recrutent plus particulièrement parmi les adeptes du «tout sécuritaire» (services de sécurité, justice) qui mènent depuis l'intérim de Abdelkader Bensalah et l'entrée fracassante en lice de Gaïd Salah des vagues répressives à l'encontre des activistes du hirak, des lanceurs d'alerte et des journalistes. Jusqu'à l'impensable, et à la grossière caricature, comme jeter en prison pour trois années le journaliste Khaled Drareni, connu de la corporation pour sa droiture et son patriotisme, dont le seul tort est de n'avoir fait que son métier. Le pouvoir en place, qui est sur la corde raide, saisira-t-il le taureau par les cornes et redressera-t-il la barre en cette rentrée sociale à hauts risques ? Il y va de sa crédibilité. Et bien entendu du sort des Algériens qui n'ont plus beaucoup de temps pour eux. Encore moins de patience.