Pour sa première apparition publique, dimanche –via une brève vidéo postée sur son compte Twitter – depuis sa contamination au coronavirus et son transfert en urgence en Allemagne pour des soins, voilà plus de cinq semaines, le challenge du président Abdelmadjid Tebboune se voulait manifestement double. Il s'agissait, d'une part, de rassurer sur son état de santé suite aux informations prédisant le pire relayées à ce sujet sur les réseaux sociaux, mais aussi et surtout d'envoyer, d'autre part, un message à ceux qui ont parié sur son incapacité à reprendre du service et évoquant l'option du recours à la procédure de l'empêchement. A-t-il réussi à convaincre qu'il tient toujours la barre lors de ce premier grand oral, que l'opinion nationale, la classe politique et nos partenaires étrangers guettaient, faute d'une communication institutionnelle transparente et régulière qui a fait cruellement défaut durant son absence prolongée du pays pour raisons médicales ? Bien qu'amaigri et dissimulant mal des signes apparents de fatigue, le président Tebboune s'est présenté devant les Algériens relativement en bien meilleure forme physique que ne le fut l'ex-président Bouteflika, quand on se remémore les images attentatoires à la dignité humaine filmées à l'hôpital militaire français du Val-de-Grâce. Pour autant, cet effort de communication institutionnelle, bien tardif au demeurant, n'empêchera pas la persistance du doute quant au retour de Tebboune aux affaires et sa capacité à poursuivre son mandat. Le son et l'image, le contenu du discours, la posture, la gestuelle et l'expression du Président véhiculés par la vidéo seront assurément disséqués au scalpel fin pour faire parler la boule de cristal sur les chances de Tebboune de survivre politiquement à sa maladie. Pour avoir livré – sur le tard, après son élection à la tête de l'Etat – un témoignage fidèle et accablant sur l'état de santé réel de Bouteflika, le président Tebboune ne pouvait pas souffrir de se voir la cible des mêmes critiques en se prêtant au même jeu de rôle de politique politicienne, dont il a pu mesurer les dégâts avec les manipulations outrancières de la gestion politique de la maladie de l'ex-Président. Il reste alors à savoir à quoi correspond le timing choisi pour convaincre le chef de l'Etat et les décideurs de la nécessité de rétablir les fils de la communication institutionnelle directe, par le son et l'image, entre la première institution du pays et l'opinion. L'a-t-il fait pour la consommation intérieure, sur recommandations de ses conseillers, des cercles de décisions et particulièrement de ses fidèles collaborateurs et soutiens qui ne sont certainement pas demeurés indifférents aux rumeurs ayant circulé sur des concertations secrètes qui seraient en cours au sein du sérail pour préparer sa succession ? A-t-il été contraint de rompre le silence en réaction à l'actualité géopolitique régionale – la reprise des hostilités entre le Maroc et le Polisario, suite à la violation du cessez-le-feu par Rabat, et la reconnaissance de la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental par le gouvernement sortant de Donald Trump ? La normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël est un autre sujet de préoccupation majeure pour la région sur lequel le Président ne pouvait pas ne pas réagir au risque d'entacher son crédit auprès de l'opinion sur la question sacrée que constitue pour le peuple algérien le soutien à la cause palestinienne. Advertisements