TRAVIAB Gouraya, c'est la dénomination que devra avoir la nouvelle entreprise qui est en gestation laborieuse depuis une année. Le processus de privatisation, déclenché sous la forme de la reprise de l'entreprise par ses salariés (RES), n'a pas encore tiré la Société de travaux de viabilisation de Béjaïa (STVB) de sa mauvaise posture et les travailleurs repreneurs s'en inquiètent et ne se retiennent pas de l'exprimer. Plus que cela en fait, ils sont sur leurs gardes depuis que cette assemblée générale d'avril 2004, qui a accouché d'un conseil d'administration, a installé la brouille. Pour eux, il n'a pas été question du vote de cet organe de gestion, mais plutôt de leurs mandataires. Et il s'est agi, restent-ils convaincus, d'une assemblée informative dans le cadre de la mise en œuvre du dispositif de la RES. « Quelques jours après et à la lecture du procès-verbal dressé par l'huissier de justice, nous avons été désagréablement surpris de constater une nette discordance entre l'objet initial de l'assemblée générale et celui porté sur le procès-verbal », se plaignent-ils dans une lettre ouverte signée par une vingtaine d'entre eux et destinée au président de la République. Estimant l'objet de l'assemblée générale « détourné », les travailleurs repreneurs n'ont pas jugé utile de répondre à la note de leur PDG, M. Rachid Bourennani, les informant, en juin dernier, de la possibilité d'augmenter leur participation au capital social. 87 salariés, dont ceux licenciés et réintégrés en application des décisions de justice, ont souscrit à la reprise de leur entreprise pour un capital de près d'un million de dinars. Versé au compte des œuvres sociales, l'argent des souscripteurs ne doit théoriquement faire objet d'aucun mouvement de la part du comité de participation. La décision, cosignée par le PDG, la section syndicale et le comité de participation, n'a pas empêché pour autant l'inquiétude des salariés contestataires qui revendiquent de donner « un cachet légal » à l'opération en suggérant d'affecter le montant au compte du notaire. ` « Pour (lui) permettre d'y constater les provisions émanant des souscripteurs », disent-ils. C'est ce qui est en tout cas convenu dans la décision cosignée et qui énonce qu'« une fois le capital totalement constitué, il sera remis un chèque de banque au notaire (...) désigné par la SGP pour instrumentaliser la création de l'entreprise de salariés ». TRAVIAB Gouraya est la dénomination que devra avoir l'entreprise sous son nouveau statut. Elle n'a pas encore vu le jour. Selon les textes définissant les conditions de reprise d'une entreprise publique économique par ses salariés, les repreneurs ont la tâche de désigner leurs mandataires à l'effet de préparer l'assemblée générale constitutive et de les représenter jusqu'à la désignation officielle et par-devant étude notariale du nouvel organe de gestion de la société (conseil d'administration dans le cas de la STVB, ndlr). Une deuxième assemblée générale, extraordinaire celle-ci (AGEX), devra être convoquée, « aussitôt la société nouvelle créée », par le conseil d'administration, sous la présidence de la SGP et où l'on devra procéder au transfert du capital de la nouvelle société. Dans l'attente d'une AGEX A la STVB, l'AGEX n'a pas eu lieu à ce jour, selon ses salariés, et la machine de la privatisation semble grippée. Dans le sillage de l'assemblée générale contestée, des travailleurs bougonnent. A l'exemple de ces deux employées, faisant partie des repreneurs, dont il a été mis fin récemment aux contrats de travail. Le motif officiel ne les convainc pas. Pour elles, elles sont tout simplement victimes de « représailles ». Elles sont sur la liste des pétitionnaires. En effet, près de soixante travailleurs repreneurs ont signé, le 1er mars dernier, deux pétitions distinctes demandant la dissolution de la section syndicale et du comité de participation. Les pétitionnaires reprochent à la composante de ces deux structures d'agir « en violation des règles édictées par le statut régissant (leur) fonctionnement ». Entre autres éléments qui fâchent les contestataires, l'effacement de la dette des œuvres sociales, près de 4 millions de dinars figurant sur le bilan de l'exercice de 2000, « sans le consentement des travailleurs ». Comme ils contestent également une « intention de la direction » de céder une parcelle de terrain « désormais propriété des repreneurs et réservée pour une promotion immobilière des travailleurs ». Dans leur lettre au chef de l'Etat, ils demandent, en plus de l'annulation de l'assemblée générale d'avril 2004, la constitution d'une commission d'enquête. « Des ventes aux enchères ont été opérées au sein de la société sans que nous constations une quelconque incidence positive », écrivent-ils en revendiquant « une gestion transparente ». Autant de déclarations auxquelles nous n'avons pu confronter celles de la direction de la STVB. Sollicité, le PDG n'a tout simplement pas été au rendez-vous qu'il nous a fixé au siège de l'entreprise, sise à la zone industrielle d'Ihaddaden. Et nos tentatives répétées de l'avoir au téléphone ont été vaines. Notre déplacement sur les lieux nous a servi, en revanche, à constater que le parc roulant de la STVB est limité, tout comme l'est son champ d'intervention. Créée au début des années 1980, la société semble avoir laissé sa jeunesse derrière elle. Aujourd'hui, le gros de ses chantiers vient des commandes de la commune de Béjaïa. Le coup de pouce de l'APC est salutaire et on s'en félicite. Cela contente les uns et ne rassure pas trop les autres. « Dieu merci », nous dit un ancien de la boîte, et non moins repreneur impatient. A ses yeux, bien qu'il soit loin le temps des grandes réalisations, l'entreprise marche malgré tout. La satisfaction n'est pas partagée par l'un de ses collègues qui nous invite, lui, à constater la « désolation » en voulant pour signe ces vieux engins usés pour avoir trop roulé.