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Me Nabila Smaïl. Avocate de Walid Nekiche : «La plainte déposée pour torture par Walid est toujours pendante»
Publié dans El Watan le 03 - 02 - 2021

– Vous avez déclaré n'avoir jamais vu de dossier criminel où il n'y a pas de faits. Les PV liés à l'affaire Walid Nekiche seraient-ils faux ? Sur quelle base a-t-il été poursuivi ?
Walid Nekiche a été arrêté le 26 novembre 2019 et conduit directement au commissariat de Bab El Oued. Son téléphone portable lui a été confisqué. Les policiers n'ont rien trouvé dedans. C'est à partir de là qu'a commencé la mésaventure de Walid. Les PV de la police judiciaire contiennent des aveux arrachés sous la torture.
Nous en avons eu la confirmation lorsque la demande faite par les avocats pour désigner un médecin afin de constater les sévices qu'il a endurés a été rejetée par le juge d'instruction. Walid a été arrêté le 26 novembre, il a subi tous les sévices que vous pouvez imaginer au commissariat de BEO : de la torture physique au viol, et ce, durant six jours (du 26 novembre au 1er décembre 2019). Walid n'a été présenté devant le procureur que le 2 décembre.
Ce dernier ordonne l'ouverture d'une information judiciaire et demande au juge d'instruction de le mettre sous mandat de dépôt. Il passa chez le juge d'instruction sans la présence d'un avocat. Certes, le juge lui a demandé s'il voulait un avocat. Mais Walid avait tellement peur d'un report de son affaire et de retourner au commissariat qu'il a préféré dire non. Il était pressé d'en finir et de rester en prison.
Lorsque le premier groupe d'avocats lui a rendu visite à la maison d'arrêt, il a constaté des traces de violence. Le jeune était complètement absent et il répétait sans cesse que la prison était plus clémente que le commissariat. A partir de là, Me Nacera Haddouche a pris sur elle de faire une demande au juge d'instruction pour désigner un médecin afin de constater les traces de violences physique et sexuelle. Malheureusement, la demande a été rejetée.
A ma connaissance, il n'y a pas eu d'appel de crainte des représailles, mais le juge d'instruction n'a pas notifié le refus. Durant une année, Walid n'a eu droit qu'à une seule audition, et lorsqu'il a été entendu dans le fond, il est revenu sur ses déclarations. Pourquoi ? Parce qu'il était assisté par des avocats. Il était confiant et surtout rassuré qu'il ne retournerait plus au commissariat.
– Que reproche-t-on à Walid Nekiche ?
On lui reproche ses liens supposés avec le MAK et des étrangers, notamment un jeune Espagnol. Le dossier est vide. Aucune preuve matérielle. Il n'y a pas de qualificatif pour ce dossier. On a vu des dépassements, mais là, cela dépasse tout entendement. Par la même occasion, je peux rappeler les dépassements dans l'affaire Tabbou et l'injustice qui frappe aujourd'hui Nekkaz.
Est-il normal de le transférer à 900 km avant son jugement. Ouyahia et Haddad sont des justiciables. Est-il normal de les «déporter» à des kilomètres, loin de leurs avocats, et de les juger par visioconférence ? Le minimum de droit est d'assurer un procès équitable au justiciable, quels que soient son rang ou sa fonction.
Je n'ai pas le droit d'utiliser la justice pour me venger, et tant que le juge ne se libère pas, tant qu'il ne se prend pas en charge, il n'y aura pas de justice indépendante.
– Avez-vous déposé plainte pour les sévices que Walid a subis au commissariat ?
Justement, à la fin de l'audition, Me Haddouche a déposé plainte pour torture. La plainte est toujours pendante, puisqu'il n'y a pas eu de suite. Vous savez, ce qui est extraordinaire dans notre pays, c'est de constater combien le pouvoir est en train de sombrer dans ses contradictions.
– Pourquoi ?
Parce que la nouvelle Constitution a considéré que les conventions internationales sont au-dessus des lois internes, donc le juge est tenu d'appliquer les conventions internationales avant la loi algérienne. A partir du moment où les autorités judiciaires sont informées qu'un justiciable est victime de torture, le juge doit impérativement s'autosaisir pour ouvrir une information.
Dans le cas de Walid, nous avions la preuve et nous considérons que le refus de désigner un médecin alors que les traces de violence étaient visibles est une forme de complicité, et comme il n'y a pas de justice indépendante, le résultat est là. Pire, le test psychologique, ils n'ont pas voulu le pratiquer de peur d'être piégés.
Maintenant, après les déclarations de Walid, le collectif va se concerter avec l'intéressé autour de ce dossier et de cette plainte qui est toujours pendante. Il faut bannir à jamais ces pratiques et Walid doit être l'élément de changement.
– Une prise en charge psychologique ne s'imposerait-elle pas pour Walid ?
Absolument ! Après ce que j'ai vu hier, le plus urgent pour Walid Nekiche est de suivre une thérapie.
Il a besoin en urgence d'une prise en charge psychologique pour qu'il retrouve son état mental. Ils ont brisé cet étudiant de 25 ans. Me Djerdjar qui le connaît a déclaré que Walid qu'elle a connu avant n'est pas celui qui était devant elle à l'audience. Ils ont tué Walid. Mais grâce à lui, peut-être, on évitera à d'autres de subir ce traumatisme.
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