Le député du Front des forces socialistes et défenseur des droits de l'homme, Mostefa Bouchachi, a introduit un projet d'amendement au code de procédure pénale afin de permettre aux avocats de visiter les prévenus dès les premières heures de leur arrestation et pendant toute leur détention. «La présence d'un avocat, comme cela se fait de par le monde, empêche l'usage de la torture par la police judiciaire. C'est là un moyen sûr de limiter ce crime inhumain et abject. Dans les pays où cette possibilité existe, la torture a diminué de 90%», a expliqué Me Bouchachi, hier, lors d'une conférence à l'occasion du 26e anniversaire de la Convention internationale de lutte contre la torture. Invité par le Collectif national des familles de disparus à s'exprimer sur la question, Me Bouchachi a expliqué que la présence des avocats sert à la fois les prévenus pour leur éviter les risques de torture, mais aussi les magistrats qui, souvent, ne savent pas distinguer entre la plainte avérée pour torture et le recours de certains criminels à utiliser faussement cet argument. «L'idée de la présence des avocats permet aux magistrats de ne plus hésiter devant une plainte et la justesse d'un procès-verbal», a-t-il dit en plaidant pour que le pouvoir judiciaire tout comme les avocats aient les moyens d'asseoir un contrôle sur les lieux de détention. «La loi oblige le procureur à visiter les commissariats, mais le fait-il réellement ? Il y a dix ans, j'ai suivi l'affaire d'un détenu qui a été torturé une semaine durant par la police judiciaire. Il est décédé deux jours plus tard, quand il a été transféré en prison, d'une hémorragie interne suite aux actes de torture qu'il avait subis. Le directeur de l'établissement pénitentiaire a fait venir un médecin pour faire constater que le décès était dû au traitement qu'il avait subi avant d'arriver en prison. Le juge chargé d'enquêter sur cette affaire a décidé de fermer le dossier en disant ne pas être arrivé à situer les coupables. Telle est la situation de la justice sous le régime politique en place dans notre pays», a noté le député. Il dit se rappeler de centaines, voire de milliers de cas de personnes torturées, notamment durant les années 1990 où le recours à des procédés inhumains d'interrogatoire était légion. «La pratique de la torture demeure» «Il y a deux formes de torture, physique et morale, que les systèmes autoritaires utilisent massivement afin de garder le pouvoir par la terreur et d'interdire l'opposition ou que les officiers et agents de la police judiciaire l'utilisent sous la pression de leurs supérieurs afin de vite constituer des dossiers. La torture est donc un moyen de terreur et de soutirer des informations. L'objectif est éminemment politique, la torture est un moyen de pérenniser un système. Terroriser l'opposition et soumettre au silence tout un peuple», a expliqué Mostefa Bouchachi, qui regrette que l'Algérie indépendante ait usé des mêmes pratiques de la colonisation. «Faire subir des tortures, c'est attenter à la dignité et l'intégrité physique et morale des hommes. C'est un crime grave et imprescriptible qu'il faut sévèrement punir. L'Algérie est tenue d'appliquer les recommandations de la Convention internationale de lutte contre la torture, qu'elle doit aussi faire connaître aux agents des services de sécurité, police, gendarmerie, sécurité militaire, magistrats et gardiens de prison. Tout responsable politique et judiciaire instruit d'un cas de torture se doit d'ouvrir immédiatement une enquête», a indiqué le député du FFS qui rapporte qu'une phrase revient très souvent dans tous les tribunaux : «Monsieur le juge, je n'ai pas dit ce qui est écrit dans le PV», ou «Monsieur le juge, on m'a forcé à signer ce PV !» «Quand un juge entend cela et n'ouvre pas d'enquête, cela confirme qu'il n'y a aucune volonté de lutter contre cette pratique», a précisé Me Bouchachi en notant que si son usage a diminué ces dix dernières années par rapport à la décennie noire, il reste que le recours à la torture continue. «Dans 90% des cas, la torture est pratiquée pendant la période allant de l'arrestation jusqu'à la présentation devant le juge. La durée de la détention préventive doit être revue à la baisse pour que cesse cette pratique», a-t-il dit. Et d'enchaîner avec un appel à la ratification du protocole facultatif se rapportant à la Convention de lutte contre la torture, afin de permettre aux rapporteurs onusiens de visiter les lieux de détention. Mostefa Bouchachi ajoute que la disparition forcée est une forme de torture assénée à la fois à la personne enlevée, mais aussi à ses parents, et d'appeler aussi à la ratification de la Convention internationale contre les disparitions forcées.