La situation épidémiologique dans la région de Tébessa est toujours critique, selon les déclarations du chargé de suivi de l'évolution de la pandémie au niveau de la direction de la santé de la wilaya, Bachir Djabari, lors d'une séance plénière de l'APW, soulignant que les hôpitaux de la wilaya sont saturés vu le nombre très important des personnes atteintes de la Covid-19 et le manque d'oxygène aux différentes structures sanitaires qui pose toujours problème. De son côté, le Directeur de la santé (DSP), Belaid Said, a fustigé dans son intervention la nonchalance de la population qui corrompt les efforts fournis par les équipes médicales pour lutter contre la pandémie de la Covid-19. Auparavant, le wali de Tébessa a mis en garde contre l'insouciance, la grande négligence et le non-respect des restrictions sanitaires par la population locale, à travers notamment les rassemblements dans les lieux publics, les fêtes de mariage, la fête de Aid El Adha, le non-respect du couvre-feu et autres. Des comportements qui auront des conséquences graves dans les jours à venir. Et on en est là. En effet, le lundi 16 août, la wilaya de Tébessa a enregistré 92 cas de contamination prenant la tête du tableau des wilayas les plus touchées par la contamination à la Covid-19, avant Alger, Oran et Constantine. Désormais, elle est classée une zone à haut risque avec un taux d'incidence du virus le plus élevé. Depuis le début de l'année en cours, la région de Tébessa a connu un basculement de la situation sanitaire. Après avoir détecté au mois de mars dernier six cas du variant nigérian du virus Sars-CoV-2, la situation sanitaire ne s'est pas améliorée et la flambée des cas de contamination ne connaît pas de répit. Bien au contraire, elle continue sur une courbe ascendante atteignant, il y a une quinzaine de jours, son pic le plus élevé avec 147 cas positifs. Mais quelles sont les raisons de cette explosion des cas de contamination dans cette région un peu perdue à l'extrême Est contrairement à d'autres régions de l'Algérie ? Certes, le relâchement total de la population caractérisé essentiellement par le non-respect des gestes barrières, le port de la bavette, les rassemblements anarchiques et autres en est le principal facteur responsable de cette tendance haussière des contaminations, un autre facteur dit «des contrebandiers» vient s'y ajouter, selon certaines sources. Ces dernières montrent d'un doigt accusateur les contrebandiers qui continuent toujours et, en pleine crise sanitaire, à s'adonner au trafic illégal avec des Tunisiens l'accusant même de «passeurs» des familles tunisiennes pour faire leurs emplettes depuis l'Algérie en dépit de la fermeture des frontières. Une fréquentation qui aurait conduit, selon elles, inexorablement à une remontée du nombre des contaminations dans la région surtout que le pays frère passe par une situation épidémique très catastrophique. Des contrebandiers qui ne reculent devant rien Des enquêtes épidémiologiques ouvertes par les services sanitaires ont révélé une légère hausse du nombre des contaminations dans certaines régions jouxtant la frontière tunisienne. Cependant, des contrebandiers continuent à exercer leur trafic et ne soucient de rien, car cette pandémie mondiale ne leur dit absolument rien. Afin de mieux explorer les causes qui se cachent derrière ce pic pandémique, nous nous sommes rendus au sud de la wilaya. À Bir El Ater où, au premier abord, un relâchement total est constaté en matière de respect des mesures barrières. «Nous n'avons jamais cessé de faire passer notre marchandise de l'autre côté des frontières. Le coronavirus ne signifie rien pour nous. Je suis convaincu que si je ne travaille pas, mes enfants vont mourir de faim et je vous dirai aussi que dans le cadre de notre travail, on fréquente presque au quotidien des Tunisiens, mais on n'a jamais été contaminés hamdoulallah», nous a fait savoir Karim, un jeune contrebandier rencontré à Bir El Ater. Et qu'en est-il des Tunisiens qui s'introduisent illégalement sur le sol algérien? Le jeune contrebandier nous dira : «Après la fermeture des frontières avec la Tunisie, des commerçants qui s'alimentaient depuis l'Algérie se sont retrouvés du jour ou lendemain bloqués ; il y a des contrebandiers qui se sont convertis en passeurs, c'est-à-dire ils font passer illégalement des Tunisiens depuis les régions frontalières juste pour quelques heures afin de s'approvisionner en produits alimentaires côté algérien pour leurs commerces en Tunisie moyennant une importante somme d'argent». Notre interlocuteur poursuit : «Il faut savoir aussi que dans certaines régions, ici à Bir El Ater, prenant l'exemple de Mezara, Aicha oum Chouicha et autres, des Algériens et des Tunisiens habitent à 100 mètres les uns des autres. Ils ont un lien de parenté et ils s'échangent des visites, notamment dans les fêtes de mariage ou autres et ce n'est pas la pandémie qui va les empêcher». Même cas pour tout le tracé frontalier avec la Tunisie, à Oum Ali, Bekkaria, Kouif, Ras Layoun et Méridj, des contrebandiers n'ont jamais chômé, et la fermeture des frontières était une aubaine pour eux afin de multiplier leurs actions frauduleuses. «Parfois, on a besoin d'un médicament prescrit avant la fermeture des frontières par un médecin tunisien et que ce même médicament ne se trouve qu'en Tunisie, on est obligé de contacter même par téléphone nos voisins tunisiens pour nous le ramener du fait que le premier village tunisien se trouve à quelques encablures de chez nous ici à El Meridj», a fait savoir Zoubir, un habitant d'El Méridj et habitué de la Tunisie Interconnexion De l'autre côté de l'Algérie, ce sont des milliers de Tunisiens, pour la plupart des commerçants ambulants qui attendent impatiemment la levée de la pandémie pour pouvoir retourner à leurs activités commerciales. Ils se disent frappés par un coup dur du fait qu'ils n'arrivent pas à alimenter leurs commerces par la marchandise algérienne. «On attend impatiemment que les frontières soient ouvertes pour retourner à notre activité commerciale qui est subordonnée par la marchandise algérienne», a déclaré Amar, habitant Feriana, dans le gouvernorat de Kasserine en Tunisie, contacté auparavant par téléphone. Par conséquent, une interconnexion des passeurs entre Algériens et Tunisiens serait née. Ce sont des réseaux en Tunisie qui se chargent de faire passer des individus sur le sol algérien puis, en collaboration avec des contrebandiers algériens moyennant une somme d'argent. Du côté algérien, aucune information n'est donnée par les services de sécurité concernant ces réseaux de passeurs. Mais du côté tunisien, au début du mois en cours, une information diffusée sur la radio locale de Kasserine (en Tunisie) a annoncé que la brigade de recherches et d'investigation du district de la Garde nationale de Kasserine a démantelé un réseau de passeurs, composé de Tunisiens qui activent sur la frontière algérienne. Le réseau spécialisé dans l'introduction illégale sur le sol national d'Algériens venus d'Europe voulant sans doute échapper à la mise en quatorzaine et des Tunisiens pour un court séjour par la région de Bouchebka à 25 km de Tébessa. Le réseau a été intercepté, avec trois familles algériennes venues de France contre 11 000 euros. Selon la même information, une enquête a été ordonnée par l'adjoint du Procureur de la République près le tribunal de première instance de Kasserine, Chawki Bouazri. Cette flambée du nombre de contaminations à la Covid-19 a fait à travers le territoire de la wilaya de Tébessa plus de 60 morts durant le dernier trimestre. Est-elle due à cette fréquentation entre Algériens et Tunisiens ? Rien n'est confirmé, mais chose est sûre que ces trafiquants sans scrupules continuent à provoquer une véritable saignée pour l'économie nationale. Ils sont devenus invulnérables et font ce trafic au grand jour au su et au vu de tout le monde et ce n'est pas cette pandémie qui va les arrêter. Advertisements