Les répercussions des changements climatiques ont été ressenties encore une fois dans le domaine agricole. De nombreux paysans de Béjaïa ont signalé durant cette saison une «éventuelle maladie des agrumes», après avoir constaté un fléau qui s'abat sur leurs orangers et citronniers sans pouvoir l'expliquer ni y faire face. Une terrible maladie décime les orangers et les jardins d'agrumes en général dans la haute vallée de la Soummam», poste un internaute originaire de cette région se demandant comment il peut stopper ce phénomène qui frappe les agrumes rendant des parties de ces arbres fruitiers voire des arbres entiers des troncs sans vie. Il ne s'agit pas d'une quelconque maladie des agrumes mais plutôt de la remontée des sels pendant la période de sécheresse. «Il n'y a rien d'alarmant. Il s'agit de la remontée des sels en raison de longs moments de sécheresse. Les pluies enregistrées ces derniers jours ont favorisé l'absorption de ces sels par les arbres», explique Brahim Djeribia, président de l'agriculture de la wilaya d'Alger en s'appuyant sur le constat de l'Institut national de la protection des végétaux (INPV). Un constat conforté par Mohmoud Bendil, ex-directeur général de l'ITAFV qui préfère s'exprimer tout de même au conditionnel dans la mesure où il n'a pas eu accès aux données du terrain. A travers la description des propriétaires des vergers touchés, M. Mendil estime que «le risque le plus probable serait une remontée des sels dus à la sécheresse durant plusieurs mois et les dernières pluies ont favorisé leur assimilation par la plante», assurant que dans ce cas de figure le phénomène est réversible. A ceux qui se demandent comment peuvent-ils lutter contre ce phénomène de la remontée des sels, M. Mendil répond qu'en cas de salinité des sols, il faut «reconfectionner les drains qui ont disparus depuis belle lurette», déplore cet ingénieur agronome qui préconise une série de mesures relevant toutes de l'entretien des vergers. A la restauration du système de drainage connu de par le passé, il faut également «éliminer tout le bois mort en veillant à sauvegarder, au mieux l'équilibre général de l'arbre», conseille l'ex-DG de l'ITAFV. Et d'ajouter : «Il faut arroser et apporter une fumure azotée, de préférence organique (cela n'est pas toujours évident), sinon, environ la moitié de la dose annuelle qui correspond à 100 grammes par année d'âge. Ceci dès la reprise de croissance végétative (fin février en général)». M. Mendil rappelle à cette occasion que «tous nos oueds et vallées attenantes sont caractérisés par la présence de couches de sels à différentes profondeurs et épaisseurs». Néanmoins, à l'origine de la remontée des sels, M. Mendil évoque l'absence de certaines pratiques qui auraient pu aider à minimiser l'impact de ce phénomène : «La quasi absence de drains et l'insuffisance des travaux superficiels, notamment pour casser les fentes de retraits et les remontées par capillarité des sels causent ces types de dégâts en plus de rendre inefficaces l'assimilation des engrais», met-il en garde. D'où vient le phénomène de la remontée des sels ? Selon les agronomes que nous avons interrogés, ce phénomène est éminemment lié aux changements climatiques. Le président de la Chambre de l'agriculture de la wilaya d'Alger a souligné que ce phénomène a déjà frappé les vignobles durant l'été dans la région de Cherchell. Pour sa part, M. Mendil, qui rappelle que le phénomène en question est l'un des défis des changements climatiques, il considère que les dégâts causés sont surtout liés au manque de drainage. Ce spécialiste en agronomie appelle à la révision de l'ensemble des pratiques d'entretien de nos sols et nos vergers en ce sens que la remontée des sels causés par des périodes de sécheresse pourrait devenir un phénomène cyclique. Sur le site Overblog, dédié aux questions environnementales, Sofiane Benadjila, spécialiste en agriculture saharienne évoque «des périodes de sécheresse de plus en plus longues» qui seront «conjuguées à une élévation des températures». Et de suggérer : «Nous sommes confrontés à la diversité des territoires, où il faudra encore réfléchir de manière globale, mais en apportant des solutions locales». Comment y faire face ? M. Benadjila considère que le phénomène de la sécheresse est global mais les solutions ne peuvent être conçues que dans un cadre régional et local estimant que dans cette lutte conte les défis des changements climatiques, les populations locales ont un rôle prépondérant. Il appelle ainsi à l'élaboration «en urgence» d'un plan national d'adaptation (PNA) aux changements climatiques. Ce dispositif devrait selon lui, «associer aux mesures d'adaptation des mécanismes de résilience qui limitent la vulnérabilité et une politique de la gestion des risques dans laquelle seraient introduit des scénarios catastrophes». Par Djedjiga Rahmani [email protected] Advertisements