« Contrairement à ce qui se dit, l'ONU ne coûte pas cher puisque ses dépenses égalent ce que le Pentagone dépense en 32 minutes », a déclaré, hier à la résidence El Mithak (Alger), Victor-Yves Ghebali, professeur à l'Institut universitaire des Hautes études internationales de Genève. A l'occasion d'une conférence sur le thème « L'ONU est-elle réformable ? », cet expert en droit international public ne manquera pas de considérer l'institution onusienne comme « une gendarmerie sans gendarmes ». C'est pourquoi, il indiquera que si jamais la Charte de l'ONU pouvait être amendée, elle mériterait une définition moderne du colonialisme. Le projet de réforme sera débattu en septembre prochain à New York, mais cet universitaire doute fort bien que les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité puissent accepter une telle réforme. Cela étant vrai, expliquera-t-il, dans la mesure où l'ONU souffre aujourd'hui d'une maladie qui a pour origine les Etats-Unis et également de la dérive de la Russie en Tchétchénie. Ces deux pays membres du Conseil de sécurité agissent, rappellera-t-il, en violation de l'ordre international menant ainsi l'ONU vers une crise de légitimité. Celle-ci vient, en fait, se greffer à un autre type de crise. Celle de la crédibilité de l'ONU face aux problèmes de ce monde. Cette institution est actuellement impuissante à résoudre les conflits intra et interétatiques, faible dans ses performances sociales et économiques et, enfin, entraînée vers une politisation néfaste des questions liées aux droits de l'homme, précisera le Pr Ghebali. La Commission des droits de l'homme a perdu, à ses yeux, toute crédibilité. Dans la foulée, il épinglera, en sus des Etats-Unis et de la Russie, la Grande-Bretagne dans son implication en Irak et la France dans son aventure en Côte d'Ivoire. La Chine, pour le Pr Ghebali, n'est pas dans ce lot « puisqu'elle attend sagement de devenir la grande puissance de ce siècle ». Avec le souhait émis de sa part que Pékin ne se conduise pas comme ses pairs au Conseil se sécurité. L'invité de l'Institut diplomatique et de relations internationales (IDRI) a, par ailleurs, donné une autre conférence intitulée : « L'intervention occidentale en Irak : une grille de lecture ». Il évoquera, à ce sujet, « le besoin narcissique des Etats-Unis de déployer ses forces militaires à travers le monde surtout après les attentats du 11 septembre 2001 ». Faute d'avoir pu capturer Ben Laden et démanteler le réseau Al Qaîda, « Washington a donc voulu faire payer à quelqu'un ce double échec », dira-t-il. Le Pr Ghebali précisera le besoin également de l'Administration américaine de contrôler les puits de pétrole de l'Irak, deuxième producteur mondial après l'Arabie Saoudite. Une manière de ne pas trop dépendre de ce pays surtout, dira cet universitaire, qu'il a été établi que l'Arabie Saoudite est le foyer du terrorisme. A ces deux besoins s'ajoute un troisième, celui de remodeler la carte du Moyen-Orient. Une occasion de parler du projet du Grand Moyen-Orient (GMO) que le Pr Ghebali considère comme « voué à l'échec, puisque c'est une idée fumeuse et simpliste ne visant nullement à résoudre les véritables problèmes de cette région ». Il soulignera, à ce propos, que Washington est en situation de « type colonial ». Avec cette conclusion : « L'Amérique est dangereuse pour elle-même et pour le reste du monde. »