Ils veulent travailler et vite ! « Avec un bac, t'as plus rien ! », dira Rafik, un parmi le millier de candidats qui n'ont pas rejoint, hier, leurs salles d'examen du baccalauréat. Hier, sur les 17 387 candidats inscrits, seuls 16 363 ont pointé aux centres des examens à Oran où 1 024 élèves ont jeté l'éponge. Le taux d'absentéisme s'élevait, en fin de matinée, à environ 5,89%... Nul ne peut prédire l'ampleur de ce phénomène de l'absentéisme. Toujours est-il que les parents s'inquiètent du devenir de leurs enfants. D'autant plus que de plus en plus de jeunes sont tentés d'arrêter leurs études. Ce défaut de visibilité sur l'avenir ne fait que renforcer la propension des candidats à jeter l'éponge. Sur les 5,89 % d'absents, 100 sont scolarisés et 924 sont des candidats libres. Sur un marché du travail difficile, ce niveau de désertion de l'école n'en finit pas de rallier les suffrages déjà précaires du chômage. Les observateurs restent perplexes devant de tels chiffres. Les jeunes, eux, y voient la meilleure arme contre la précarité. « Vendre l'image du bac peut ne pas séduire les jeunes au premier abord », reconnaît un enseignant. « Parler de pénurie de bac est exagéré », nuance un responsable à l'académie d'Oran. « Il s'agit, dit-il, plutôt de tensions fortes, mais il est vrai que celles-ci s'accentuent. » « Il ne suffit pas de drainer un nombre suffisant de candidats ; encore faut-il intéresser les meilleurs. Et écarter les candidats jugés peu motivés, voire nonchalants parce qu'ils sont en position de force sur le marché du travail », soutient un prof de sciences naturelles. L'autre grande tendance consiste, pour les entreprises, à se rapprocher des lycées et des IUT (instituts universitaires de technologie) afin d'intéresser les élèves ; un peu à l'image de ce qui se pratique avec les diplômés bac + 4 ou 5 des grandes écoles. « On n'a pas besoin de les prier pour les faire venir aux journées métiers », commente un directeur d'un centre de formation. Un gage pour L'avenir L'enjeu est d'autant plus important que les tensions sur le bac ne semblent pas prêtes à disparaître, en raison des évolutions démographiques tout particulièrement. Si les candidats rencontrés hier, aux alentours de leurs centres d'examens, sont de plus en plus nombreux à vouloir poursuivre leurs études au-delà du bac, c'est avant tout « pour ne pas être bloqués un jour dans leur carrière. » Mais aussi pour « échapper à des salaires modestes. » L'informatique, les licences professionnelles et la médecine ont beaucoup de succès chez les candidats interrogés. « Je savais qu'un bac serait insuffisant pour les postes qui m'attirent », explique Souad, 19 ans, qui rêve d'une carrière d'informaticienne. « Je veux continuer sans pour autant trop vouloir repartir pour cinq ans d'études », projette-t-elle. Surtout que mon niveau de bac m'ouvre la perspective d'une carrière plus prometteuse... » Voilà qui rassure la jeune génération connue des employeurs pour « son insatiabilité. » Si la lame de fond du LMD (licence, master, doctorat), réforme algérienne de l'enseignement supérieur, devrait renforcer la tendance au prolongement des études, « la nécessité de diversifier les filières de recrutement permet également d'éviter de ne disposer que de profils monocolores dans l'entreprise », suggère une enseignante en physique. « Je n'arrête pas de mettre en garde mes élèves contre des études monolithiques. Pour cette enseignante, c'est le seul moyen de redresser une pyramide des diplômes sans débouchés. » Elle appelle cela « une nouvelle tendance contre la dépréciation absolue du bac. »