La délégation de Human Rights Watch (HRW) a rendu visite, hier, à l'association Djazaïrouna à Blida pour recueillir les témoignages, écouter les revendications, poser des questions sur les indemnisations, l'amnistie et avoir une idée de l'expérience des méandres de la justice des victimes du terrorisme. « Connaissent-ils l'identité des terroristes ? Ont-ils reçu des menaces ? Mettent-ils des noms sur des cas d'impunité ? », a relevé Eric Goldstein, directeur pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord de HRW. Plus de quatre heures ont été nécessaires pour un échange. La veille, les membres de Human Rights Watch avaient eu une discussion avec Mlle Cherifa Keddar et Nedjm Boudjakdji, présidente et avocat de l'association, au sujet des dispositions juridiques mises en place par l'Etat concernant les victimes, les décrets les concernant ainsi que l'absence de statut spécifique aux victimes. Me Boudjakdji avait également évoqué des cas non régis par les décrets tel celui d'une résidence de citoyen abandonnée durant les années noires, infestées par les terroristes puis mitraillée par les forces de sécurité. Le propriétaire se trouve aujourd'hui sans toit et sans indemnisation. Une femme a raconté comment son mari - ex-maire à El Affroun - sera assassiné devant elle. Ahmed de Bouinan a retenu l'attention de la délégation en faisant cas des 48 membres de sa famille tués en une nuit. « Nous sommes contre l'esquive du jugement des terroristes ! C'est à nous qu'il faut demander si nous acceptons l'amnistie : 33 millions d'Algériens pèseront plus lourd lors du référendum que 100 000 victimes et ayants droit ! », ont estimé les parents de victimes. Un adhérent parmi les 300 qui viennent régulièrement au siège s'est exclamé : « L'Espagne n'a pas pardonné, les USA n'ont pas pardonné et le monde n'a pas pardonné à Hitler : pourquoi veut-on qu'on pardonne ? » Ils ont remarqué que le président Bouteflika n'a jamais été vu dans un enterrement de victimes de terrorisme. Un des rescapés du carnage de Bouinan a révélé : « Même les logements provisoires que nous habitons sont dans un état lamentable et on dit que je n'ai droit à aucune indemnité du simple fait que je sois majeur alors que j'ai perdu mon père décapité, ma mère brûlée et des sœurs assassinées. » Une personne a soulevé le cas de son enfant non encore reconnu comme décédé malgré le témoignage d'un repenti. « Il était considéré comme disparu puis, à l'inculpation d'une personne pour d'autres faits où il reconnaîtra que mon fils a été tué au maquis, l'administration ne veut pas me le faire tomber du livret et on me dit qu'il faut rester tranquille à partir du moment où je perçois une indemnité mensuelle de 2500 DA », a-t-il dit. La délégation de trois membres se répartira à l'intérieur du siège de Djazaïrouna afin de recueillir d'une manière méthodique les témoignages et impressions ainsi que les réponses aux questions posées aux citoyens.