Abdelkader Abdi compte les moutons. Mais pas pour s'endormir... Le trublion franco-algérien du design présente sa dernière collection, dans une galerie parisienne. L'occasion de découvrir ses chaises mouton, créées à Milan, en Italie ou ses vases minarets... « Je suis issu d'une double culture et cela se retrouve dans mon travail », explique-t-il. « Ces chaises s'inspirent du mouton de l'Aïd. Cette fête est gravée dans mon disque dur ! Je prends ce qu'il y a de mieux dans ma culture algérienne, afin de montrer ce qu'est l'Algérie aujourd'hui... Ces chaises ont aussi une dimension humoristique. » Un humour qui se retrouve également dans les vases minarets, dont l'un, en noir et blanc, rappelle les damiers des arcades de la grande mosquée de Damas, en Syrie. Chez Abdi, la double culture est devenue une marque déposée. Elle lui permet de mélanger les genres et de bousculer les codes de la tradition. Parmi les autres œuvres exposées à Paris : un siège rouge en mousse technologique pour lequel, il travaille « sur la légèreté », une étagère en plaques dacryl colorées, combinables à l'infini, s'emboîte dans un autre vase, en verre. « Un volume qui rentre dans un autre volume. C'est le symbole de la fertilité, la terre qui ne peut vivre sans eau », explique l'artiste qui insiste sur le fait qu'un « projet doit être nourri de références » et que « dessiner pour dessiner, ça n'a pas de sens ». « Tout mon travail est basé sur le graphisme, les couleurs, la poésie, l'effet de surprise et la théâtralisation de tous les jours », indique-t-il. Abdi est né en 1955 à Alger, « ville merveilleuse et mystérieuse ». Il est diplômé de l'Ecole des beaux-arts d'Alger (où il a aussi été professeur), de l'Ecole nationale supérieure des arts décoratifs de Paris, et il enseigne actuellement à l'Institut d'arts visuels d'Orléans (France). Il a monté les premières expositions de design dans son pays natal, au début des années 1980, avant de quitter l'Algérie en 1989 à cause de la montée de l'intégrisme. « Les intégristes ont occupé les espaces culturels. Pour faire vivre la culture, il fallait combattre de l'extérieur. Je suis parti pour avancer, progresser, me faire une place à l'étranger, être toujours dans la recherche de la qualité et le refus de la médiocrité. » Aujourd'hui, il explique que « le design en Algérie est quelque chose de politique. Il faut que les autorités décident de lui donner une place. Il faut que le président et le Premier-ministre se meublent avec du design ! »