La libéralisation de l'économie, entamée au milieu des années 1980, a permis au privé de reprendre pied dans la société algérienne, favorisé en cela par sa prodigieuse capacité d'accumuler et d'entreprendre dans un pays où l'essentiel de la demande intérieure reste à satisfaire. Si le mystère sur l'origine de certaines fortunes reste entier, force est de constater que le secteur privé a fait une fulgurante percée au cours de ces vingt dernières années. En effet, alors qu'elles se comptaient sur le bout des doigts à la fin des années 1970, on a recensé à la fin 2004 pas moins de 375 000 entreprises privées de divers statuts (EURL, SARL, SPA) parmi lesquelles figurent de grosses sociétés qui n'ont rien à envier, de par leurs performances et leurs chiffres d'affaires, à certaines grandes firmes étrangères (Cevital, Blanky, Sim, Biopharm, Bya-Electronic, Tonic-Emballage, le groupe Haddad, pour ne citer que celles-là). Les activités de production, de commercialisation et d'importation, autrefois réservées aux entreprises monopolistes d'Etat, sont aujourd'hui largement dominées par ces entreprises, pour la plupart à capitaux familiaux. Les opérateurs privés n'ont laissé vacant aucun créneau d'investissement pour peu qu'il soit lucratif. Ils ont déjà pris le dessus sur le secteur public dans l'importation, le BTPH, le transport de marchandises et de voyageurs, l'agroalimentaire, le tourisme et l'hôtellerie, l'informatique, pour ne citer que les filières les plus en vue. Parmi les domaines aujourd'hui largement dominés par le privé, on peut citer l'import-export hors hydrocarbures à près de 90% détenu par pas moins de 40 000 sociétés de négoce qui ont investi pratiquement tous les segments d'importation, à l'exception des céréales et du ciment auxquels elles commencent du reste à prendre, depuis ces quatre dernières années, une part active. Nous pouvons également évoquer le secteur de la construction notamment la réalisation de logements, prise en charge en 1999 déjà à plus de 80% par le privé, où, il est vrai, le privé étranger figure en bonne place. Des domaines autrefois exclusivement réservés aux entreprises publiques, comme les banques et le transport aérien, sont également investis en force par le privé qui s'est déjà taillé de bonnes parts de marché. Le privé algérien effectue également une entrée remarquée dans de nouveaux métiers nés à la faveur de la mondialisation et des progrès technologiques. L'informatique et ses diverses applications sont, à titre d'exemple, en train de devenir des activités essentiellement privées, les entreprises publiques ayant été contraintes par la nouvelle législation économique à céder à la concurrence des activités qu'autrefois elles géraient sans partage en tant que monopole. Les société privées sont aujourd'hui les maîtres à bord dans pratiquement toutes les filières d‘informatique (montage d'ordinateurs, conception de logiciels, providers, télécommunication, multimédia etc.)Leur percée est en outre perceptible à travers les avoirs impressionnants qu'elles détiennent dans les banques. Il est aujourd'hui admis que le plus gros des encaisses hors hydrocarbures provient des entreprises privées de plus en plus nombreuses et performantes, qui réalisent des profits autrement plus importants que les entreprises publiques, dont une grande partie est enlisée dans d'inextricables problèmes de découverts bancaires et d'endettement. A titre d'exemple, la centaine de sociétés qui constitue le forum des chefs d'entreprise avait réalisé à elle seule un chiffre d'affaires annuel d'environ 90 milliards de dinars à la fin 2004 et leurs avoirs iront certainement en s'accroissant du fait de leur capacité à réaliser d'importants profits en investissant des créneaux à forte rentabilité. PARTENARIAT MULTIFORME Les contrats de partenariat multiformes qui lient de plus en plus couramment nos opérateurs privés à des firmes étrangères, comme en témoigne la prolifération des enseignes de marques internationales en Algérie, est de nature à consolider encore davantage le capital privé algérien au contact de ces sociétés qui le forceront à mettre à niveau son management et à améliorer son efficience face à la concurrence. Comme on le constate, le privé algérien a de beaux jours devant lui et rien ne pourra entraver ce mouvement irréversible porté par la mondialisation de l'économie, presque exclusivement portée par les entreprises privées. Bien au contraire, la concrétisation à terme de nombreux projets de partenariat et de milliers d'intentions d'investissement agréées par l'Agence nationale de développement de l'investissement (ANDI) et les organismes régionaux (CALPI) ne feront que renforcer cette dynamique de privatisation de l'économie algérienne déjà largement entamée. Le privé algérien, qui a produit environ 78% de la richesse nationale hors hydrocarbures en 2003, sera certainement beaucoup plus important durant les prochaines années eu égard aux plans de soutien à la relance économique qui stimuleront l'activité de la plupart des entreprises. On sait également - Mourad Medelci, notre ministre des Finances, vient de le confirmer -, que les liquidités impressionnantes (1500 milliards de dinars), disponibles au niveau des banques publiques algériennes, seront captées au minimum pour moitié par les entreprises privées pour leurs besoins d'exploitation et d'investissement. La privatisation d'un millier d'entreprises publiques, dont environ 120 ont déjà basculé dans le privé, accroîtra encore davantage l'importance de ce secteur dans l'économie algérienne, qui en tirera l'essentiel de sa richesse. C'est dire l'importance qu'est appelé à prendre le privé algérien dans les toute prochaines années en dépit des entraves multiformes qui pourraient lui être dressées. Cette irréversible tendance à l'expansion se raffermira davantage à la faveur de l'ouverture annoncée, et pour certaines déjà entamée, de pans entiers de l'économie algérienne à la concurrence (hydrocarbures, mines, transport maritime, mise en concession de terres agricoles, etc.) L'amélioration du management des entreprises privées grâce notamment aux contacts avec des firmes étrangères et à l'apport des patrons dont une bonne partie dispose, contrairement à ce qui est souvent affirmé, d'un bon niveau de formation généralement acquis dans le secteur public où beaucoup d'entre eux avaient occupé des postes de responsabilité. L'image du patron richissime mais analphabète et inculte, qui colle aujourd'hui encore à la peau des entrepreneurs privés algériens, est bel et bien révolue. Les pionniers du secteur privé, qui n'ont pas le niveau intellectuel requis, ont eu l'intelligence de préparer leurs enfants à la succession en leur assurant la formation requise. Le grand challenge pour les années qui viennent consistera à inciter ces entreprises à placer leurs capitaux dans les activités productives et innovantes. L'Etat régulateur a évidemment un grand rôle à jouer pour encourager ces opérateurs à consacrer leur argent à la promotion de projets industriels certes risqués mais dont les retombées positives pour le pays sont autrement plus importantes que les activités de bazar auxquelles s'adonnent aujourd'hui la plupart d'entre eux.