Le Festival de Venise n'a eu d'yeux hier que pour Monica Bellucci, pourtant transformée par le cinéaste Terry Gilliam en reine odieuse mais sublimement belle dans les Frères Grimm, adaptation très libre des contes de fées de notre enfance. Dans l'Allemagne occupée par les troupes napoléoniennes, Will et Jake Grimm, incarnés par Heath Ledger et Matt Damon, s'ingénient à monnayer la crédulité de leurs compatriotes en réalisant exorcismes et autres chasses aux sorcières, jusqu'au jour où ils doivent faire face à un véritable ensorcellement. Forêt enchantée, méchante reine obsédée par son miroir, course avec le petit chaperon rouge : Terry Gilliam mélange et intervertit allégrement les contes les plus célèbres pour créer une comédie épique sur fond de lutte du bien (les frères Grimm) contre le mal (la méchante reine). « Ce que je voulais, c'est prendre la fantaisie et la ramener à des proportions normales, humaines. Grâce aux techniques numériques, on arrive aujourd'hui à tout faire, mais je préfère garder les choses à un petit niveau pour qu'elles restent humaines », a souligné, lors de la conférence de presse, le réalisateur de Brazil. Monica Bellucci voit dans son personnage, qui cherche à retrouver sa jeunesse et sa beauté perdues, une allégorie de certaines femmes d'aujourd'hui, « prêtes à tout pour rester jeunes ». « La métaphore de mon rôle est faite pour les personnes qui ont trop confiance dans leur image : quand l'image disparaît, la personne disparaît avec », a expliqué l'actrice italienne. « Malheureusement, il n'y a pas de secret pour rester jeune », a-t-elle déploré en souriant. « Je n'arriverai pas à 500 ans. Pourtant, même vieille et moche, du moment que je puisse m'amuser avec mes amies, ça me plairait », a-t-elle plaisanté. Les Frères Grimm est en lice pour le Lion d'or, de même que Persona non grata, du réalisateur polonais Krzysztof Zanussi, également présenté hier en compétition. Victor (Zbigniew Zapasiewicz), ambassadeur de Pologne en Uruguay, vient de perdre sa femme. A son enterrement, il revoit Oleg, un vieil ami et diplomate russe, interprété par le cinéaste russe Nikita Mikhalkov, qu'il soupçonne d'avoir eu une aventure avec sa femme. Victor, ancien dissident sous l'ère communiste, soupçonne aussi Oleg d'avoir joué un double jeu à l'époque de Solidarité et de vouloir aujourd'hui souffler aux Polonais un contrat de vente d'hélicoptères à l'armée uruguayenne. Dans ce contexte, Victor supporte de plus en plus difficilement le hiatus entre ses idéaux et la corruption qui règne, aussi bien dans son ambassade que sur les marchés de vente d'armes. La suspicion, la désillusion et la nostalgie sont au cœur de Persona non grata à travers les doutes du personnage principal. « Je m'identifie avec ce personnage. C'est facile d'être idéaliste quand on est jeune, c'est crucial de le rester quand on vieillit, car, alors, on voit tous les espoirs non réalisés », a expliqué Krzysztof Zanussi à la presse. « La réalité est amère et on doit alors faire face à ses imperfections. Les rêves existent, mais la réalité aussi », a-t-il souligné. Une affirmation qui aurait aussi bien pu venir de la bouche de Terry Gilliam à propos des Frères Grimm.