Quatre magistrats parmi les 21 traduits pour fautes professionnelles ont été acquittés par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), réuni depuis samedi dernier en session disciplinaire. Le CSM a infligé une révocation, deux blâmes et deux rétrogradations du premier degré après trois jours de travaux et ce en attendant l'examen des autres dossiers disciplinaires présentés par la chancellerie. Il s'agit là de la première session de travail du tout nouveau CSM installé par le Président le 23 août dernier. Pour Djamel Aidouni, secrétaire général du Syndical national des magistrats (SNM), il s'agit d'« une première » dans les annales de la justice pour plusieurs raisons. « D'abord, parce que pour la première fois, les accusations portées dans les dossiers d'au moins quatre magistrats présentés par la chancellerie ont été rejetées et les concernés acquittés. De plus, les premières sanctions, exception faite d'une seule - la révocation - ne sont pas aussi lourdes que celles prononcées auparavant. Les membres du conseil ont été à la hauteur pour examiner à fond les dossiers de leurs collègues. Ils ont fait preuve de compétence, d'équité et d'impartialité, ce qui n'a pas toujours été le cas lors des précédentes sessions disciplinaires. Ce qui prouve qu'il y a effectivement un changement qui s'opère », a déclaré M. Aidouni. Pour lui, les magistrats membres de ce CSM « restent conscients de la lourde responsabilité à l'égard de ceux qui les ont élus. Nous savons, par le biais des informations qui nous parviennent des coulisses de cette session, que les débats étaient très serrés avec les représentants de la chancellerie ». Le syndicaliste n'a pas manqué de relever, par ailleurs, la présence « significative » de quatre femmes, dont une magistrate élue par ses collègues au sein de cette haute instance judiciaire. Ce qui rend cette première session, a-t-il déclaré, « historique » pour la justice. « De l'avis des juges qui y siègent, le débat lors de cette session disciplinaire était très riche et constructif malgré le fait que la notion de faute professionnelle n'est pas définie dans les textes, ce qui rend son utilisation parfois abusive. Ce vide juridique sera certainement comblé avec l'élaboration par le même CSM de la charte d'éthique et de déontologie prévue par la loi organique portant statut du CSM. » Interrogé sur les recours introduits par des magistrats qui pourraient se sentir lésés dans leurs droits, M. Aidouni a expliqué qu'il existe deux catégories de juges : ceux qui préfèrent se faire assister par le syndicat et ceux qui se contentent des réponses qu'ils peuvent apporter eux-mêmes aux charges retenues contre eux pour ne pas ébruiter leur cas. « Pour les premiers, nous avons aujourd'hui la possibilité de les soutenir et de les défendre par le biais des collègues élus au sein du CSM. Pour la seconde catégorie, il est tout à fait clair que les choses ont changé maintenant et que l'administration aura du mal à sanctionner ou à bloquer un magistrat dans sa carrière sans présenter au conseil un dossier bien ficelé et solidement argumenté. C'est une réalité que nous percevons à travers les décisions que le CSM a prises durant sa première session disciplinaire. Faisons alors confiance aux magistrats qui agissent au nom de leurs collègues. Il s'agit d'un début très positif pour le corps de la magistrature. » Néanmoins, Aidouni a tenu à préciser qu'« il n'est pas question » pour son organisation de défendre les magistrats responsables de fautes professionnelles avérées ou d'un quelconque abus. « Ceux qui ont fauté doivent assumer leurs erreurs et accepter la sentence. Nous sommes pour un assainissement des rangs afin que la justice puisse se réapproprier sa crédibilité. Cette opération prendra peut-être du temps, mais permettra à coup sûr de préserver les juges intègres et professionnels », a-t-il noté. A propos de l'activité syndicale, réduite ces dernières années à sa plus simple expression, le premier responsable du SNM a reconnu cette situation en la mettant sur le compte des événements qui ont secoué le pays. « Nous sommes en train de préparer une assemblée générale avant la fin de l'année. Quelque 20 cours ont déjà leurs délégués en attendant l'élection des autres. En tant que secrétaire général, j'ai parcouru les régions pour sensibiliser les magistrats et préparer ces assisses. Il était question d'abord de resserrer les rangs, d'encourager les juges à intégrer l'organisation pour qu'elle soit plus représentative, donc plus active sur le terrain. Nous espérons que nos collègues ont pris conscience de cet enjeu pour nous aider à remettre sur les rails le syndicat », a-t-il dit.