Les habitants de la place Sébastopol (café En Nadjah) et ceux des rues adjacentes, las de voir leur rues, les entrées de leurs immeubles et même les escaliers de leurs bâtiments squattés à longueurs de journées par une foultitude de jeunes revendeurs de téléphones mobiles et devant l'inertie des pouvoirs publics à les faire évacuer ailleurs, se sont révoltés à la mi-journée d'hier. En effet, des pierres, des bouteilles et des sachets remplis d'eau ont été balancés du haut des balcons et terrasses des immeubles pour faire déguerpir les « indus occupants » de ce qui est considéré, à juste titre d'ailleurs, un prolongement naturel de leur espace vital. Des femmes se sont même constituées en groupe aux entrées de certains immeubles pour faire entendre leur mécontentement aux « trabendistes de la téléphonie mobile » mais aussi aux passants, comme pour les prendre à témoins contre un état de fait. Le secteur de la téléphonie mobile est, le moins que l'on puisse dire, depuis quelques années un créneau très porteur. L'installation sur le marché national d'un nouvel opérateur privé, en l'occurrence l'Egyptien Orascom, mis en concurrence avec Algérie-télécom, a ouvert des perspectives indéniables à une multitude d'intervenants à divers niveaux de la chaîne. C'est ainsi qu'un marché parallèle florissant mais aussi incontrôlable, car n'obéissant à aucune exigence économique, a vu le jour. À Oran, le boulevard Zabana, la place Sébastopol, le boulevard Benzerdjeb ou le Bd Adda Benaouda sont devenus par la force des choses des lieux incontournables à tout ce qui a trait au domaine de la téléphonie mobile. Le client, certes au risque de se faire arnaquer, voire même agresser, trouve des accessoires, des appareils de dernière génération et des gadgets à des prix défiant les règles les plus immuables du marché, mais souvent, si ce n'est la grande majorité, des articles proposés sur le trottoir sont le fruit de vols à la tire et d'agressions perpétrées sur des citoyens pris au dépourvu ou à un moment de vulnérabilité. Dégats collatéraux Ceci dit, cette situation semble générer des préjudices collatéraux non seulement aux riverains mais aussi à ce qui pourrait être assimilé « à des professionnels du secteur » ayant ouvert des commerces dans cette branche d'activité. En effet, de nombreux gérants, ayant pour certains, pignons sur rue, de la téléphonie mobile dénoncent une concurrence non seulement déloyale mais illégale. Contacté dans ce cadre, un des gérants du boulevard Zabana nous confiera que : « Depuis l'émergence de ce phénomène, nous avons enregistré une baisse allant jusqu'à 60% de notre chiffre d'affaires. Le comble c'est que ces revendeurs ne sont pas inquiétés, profitant même, parfois, d'une certaine complaisance. En plus des charges sociales et fiscales, je paye un loyer et trois agents pour, finalement, me retrouver forcé de revoir mes prix assez souvent à la baisse de 30 à 40%, pour rivaliser avec les revendeurs qui écoulent leurs marchandises juste en face de mon magasin. » Un autre gérant nous révélera « l'existence de filières de gros importateurs spécialisés dans les accessoires qui défient toute concurrence ». Ils proposent, selon notre interlocuteur, « dans un hôtel de M'dina Djedida, des carcasses d'appareils, type Nokia, à 150 dinars pièce, alors qu'à Abou Dhabi, nous les achetons à 130 dinars pièce, sans compter les frais de transport, de dédouanement et les autres frais y afférents. Comment peut-on rivaliser avec une telle filière ? » Pour ce qui est du créneau des appareils, notre interlocuteur nous dira : « Tout le monde sait qu'il existe une filière marocaine du portable. Des appareils trafiqués en provenance d'Oujda sont écoulés sur le marché national. Ce sont des appareils qui ne répondent à aucune norme. Ils sont spécialement conçus pour nos compatriotes. » L'autre aspect de cette déliquescence d'un secteur, en principe porteur car en pleine expansion, a trait, selon nos interlocuteurs, au système dit des « packs ». « Avant même que nous arrivions à écouler nos stocks, d'autres promos sont mises sur le marché. On se retrouve le plus souvent contraints de suivre à notre corps défendant ». En tout état de cause, les nombreux gérants activant dans ce secteur, sont unanimes pour dire que : « Si les structures étatiques ayant le pouvoir de réguler cette activité n'interviennent pas, le secteur de la téléphonie mobile se déstructurera encore davantage. »