« Le désintérêt de l'Etat, la fragmentation des centres de décision, l'importation chaotique, l'action des réseaux politico-financiers sont pour beaucoup dans la politique agricole en matière de culture industrielle à vau-l'eau en Algérie », tel est le constat émanant d'observateurs économiques algériens à la lecture du dossier tomate industrielle et concentré de tomate. Tous se posent des questions sur cette curieuse paralysie qui, pour ne pas être nouvelle, s'est accentuée ces dernières années avec la multiplication des opérations d'importation de triple concentré de tomate. Selon ces mêmes observateurs, la multiplication des centres de décision (ministère de l'Agriculture, du Commerce, des Finances, de la Justice...), la rivalité entre ces derniers et leurs discours non coordonnés donnent trop souvent l'impression que la politique agricole nationale est gérée au jour le jour et navigue à vue. A El Tarf, les agriculteurs producteurs de tomate industrielle et les conserveurs l'ont ressenti. Ils affirment en connaître parfaitement les arcanes. " Qu'on nous explique la disparition des conclusions de l'enquête établies en 1997 sur la gestion de la coopérative agricole Lalaymia. L'IGF a enquêté tout autant que les éléments de la brigade de gendarmerie du 8 mai 1945 Annaba. Pourquoi a-t-on attendu plus de 12 années pour relancer cette affaire ? Celle de la coopérative agricole Essaada à Besbès entamée au début des années 1990 puis abandonnée. Tout ce temps pour s'intéresser à cette location entourée de flou de la conserverie de Bouteldja", se sont écriés agriculteurs et conserveurs. Plus grave encore, "la justice a été empêchée de faire son travail. On a bloqué le dossier des équipements acquis sur un crédit bancaire pour l'équivalent de 500 millions de dinars auprès du fournisseur italien (toujours le même) Paoli anciennement Vettori Mangi", reconnaît désabusé un des agriculteurs. Producteurs et conserveurs s'estiment avoir été trompés par les différents ministres (y compris l'actuel) qui se sont succédé à la tête du département de l'agriculture. "Celui en poste actuellement n'a même pas réagi au scandale du lac Fezzara. Le département qu'il gère est le dernier de ses soucis. Pour preuve, il sort rarement de son bureau. Il ignore tout de la triste réalité que vit notre agriculture, véritablement gagne-petit par rapport aux autres pays de la région". D'une superficie de 18 600 ha, le lac Fezzara, dans la wilaya de Annaba, dont il est question, devait bénéficier d'une mise en valeur agricole. Malgré les expertises françaises, chinoises et japonaises soulignant l'impossibilité d'une quelconque mise en valeur, les initiateurs avaient réussi à tromper le président de la République à l'occasion de sa visite de travail et d'inspection dans la wilaya de Annaba en 2002. Ils avaient fait admettre au 1er magistrat du pays cette idée qui a été aussitôt matérialisée et mise à exécution. Plus de 350 millions de dinars ont été engagés à septembre 2005 sans qu'aucun des 290 concessionnaires n'en tire profit. Ce scandale n'est que le prolongement de celui des chambres froides sans possibilité d'alimentation électrique et de la fermeture l'une après l'autre de pas moins de 16 conserveries sur les 22 existant à l'est du pays (El Tarf- Guelma-Skikda) formant 90% de la production nationale de concentré de tomate. Depuis 2003, elles ont mis la clé sous la paillasson les unes après les autres sans que cela alerte le gouvernement algérien. Les unes obérées de dettes ont fermé parce que confrontées à une mévente chronique de leur production des années 2003 et 2004. La mévente leur a été imposée par une importation massive de triple concentré de tomate de Chine et des Emirats arabes unis. "La prochaine campagne de tomate industrielle est très compromise pour l'année 2005", avait été le constat établi par de nombreux agriculteurs au début de cette année. Les récriminations des agriculteurs, particulièrement ceux regroupés dans les E.A.C formant 48% des exploitants agricoles, ont pour toile de fond la léthargie du ministère face aux nombreux scandales. Au début des années 1990, des révélations sur la mauvaise gestion de l'ONAPSA avec ses locaux et ses équipements phytosanitaires avait fait croire que l'on allait lever un coin du voile sur tout un réseau spécialisé dans les détournements et la compromission. Il y a eu ensuite le scandale qui avait fait terrasser la COPSEM. Tout autant que l'affaire de la coopérative Lalaymia, ces dossiers avaient été mis sous l'éteignoir. Des instructions venues "d'en haut" avaient transformé en poussière d'archives les preuves accablantes d'une véritable atteinte à l'économie nationale. A ce jour, ni la BADR ni la BNA n'ont réussi à récupérer les crédits faramineux consentis à la coopérative Lalaymia et à celle Essaada.