Apartir du modèle éducatif développé par l'école algérienne, en scrutateur exigeant et aguerri par son implication dans le combat de libération nationale, le sociologue et historien Mostefa Lacheraf a défini, dès la fin de la décennie 1970, par le mot « religiosité de choc » le terreau qui allait enfanter successivement le terrorisme et, aujourd'hui, une culture étriquée d'islamisme de bazar. Une idéologie adaptable à toutes les « alliances » partisanes, pourvu qu'il y ait des affaires à faire ; et détournée de la recherche sereine de spiritualité. Ce n'est pas un hasard de la nature si les émeutes d'octobre 1988, dont le coup de boutoir aurait pu asseoir les bases de la culture démocratique dans le pays, ont été torpillées par l'agitation du FIS, une façade factice de pluralisme politique, et de réels et voraces appétits économiques d'une nouvelle couche sociale dominante. Une oligarchie internationalisée, capable tout à la fois de dresser à l'Algérie le sabot d'une loi bradant son patrimoine d'hydrocarbures, des règles brisant le droit syndical et... de composer avec cette culture des containers et du bazar. A son slogan pré-référendum lancé à Constantine - « Notre Etat ne sera ni laïc ni islamique » -, M. Bouteflika doit donner du sens in vivo : d'abord par de réelles mesures de développement social, mais aussi de déverrouillage de l'expression publique. Sans cela, les mots paix et réconciliation ne peuvent relever que de l'incantation, dont l'autoritarisme peut se nourrir quelque temps seulement. L'autoritarisme et l'état d'urgence permanent creusent, comme l'examine le dernier rapport sur le développement humain dans le monde arabe établi par l'ONU, « une sorte de « trou noir » au cœur de la vie politique et réduit son environnement social à un ensemble statique où rien ne bouge ». Fléaux incrustés des temps anciens, le rapport fustige « les atteintes à la dignité humaine, la faim, la maladie, l'ignorance et la peur ». Il recommande à la société civile de ne pas « céder à l'influence des grandes puissances ni pour autant se laisser aller au désespoir et à la violence (pouvant) entraîner de nombreux jeunes en colère privés de toutes formes de marges de manœuvres pacifiques et efficaces ».