Fayçal Abdel Raouf est l'initiateur du projet de mosquée près de Ground Zero. L'imam s'attire les foudres d'une partie de l'opinion publique américaine. Dernière action en date concernant ce projet de mosquée à quelques coins de rue de Ground Zero, à New York : une coalition qui inclut des familles de personnes mortes dans les attentats du 11 septembre 2001 a défendu bec et ongles, avant-hier, l'esprit du projet, pourtant ces militants semblent minoritaires au pays de l'Oncle Sam. L'imam Fayçal Abdel Raouf a choisi le nom de Projet Park 51, plus neutre, pour apaiser sans doute les critiques déclenchées par la perspective de voir s'élever, à quelques centaines de mètres de Ground Zero, une mosquée. Un moyen aussi de ne pas réduire à sa seule composante religieuse un projet de centre sportif et culturel dont l'imam et son épouse, Daisy Khan, ont eu l'idée en 2005. Né en Egypte, en 1948, et ayant immigré aux Etats-Unis dans les années 1960, Fayçal Abdel Raouf intervient, depuis 1985, à la mosquée Masjid Al Farah, située aussi dans le quartier de Ground Zero et connue pour être l'une des moins traditionnelles de New York. Il se revendique de la branche soufie de l'Islam, réputée pour sa tolérance et son pacifisme, et se présente comme un facilitateur du dialogue entre le monde musulman et l'Occident. Après avoir étudié la physique à l'université de Columbia, il crée, en 1997, l'American Society for Muslim Advancement, avant que le 11 septembre n'accentue la méfiance vis-à-vis des communautés musulmanes aux Etats-Unis. L'association défend l'adaptation des pratiques musulmanes aux droits des femmes et à la vie occidentale et promeut l'idée qu'il existe des points communs entre les valeurs américaines et islamiques. Pourtant, les détracteurs de Fayçal Abdel Raouf n'hésitent pas à le qualifier de «musulman radical» et de «militant islamiste». Des termes qui en font la victime de ce contre, quoi il dit s'être battu pendant des années : la «paranoïa religieuse».
Vives réactions Dans un entretien au New York Times, Faycal Abdel Raouf estime que le fait qu'il y ait autant d'incompréhension prouve que son projet est nécessaire. Mi-août, plusieurs médias, dont la chaîne Fox News, rapportent des propos tenus par Fayçal Abdel Raouf lors de l'une de ses conférences en 2005. L'imam estimait alors que «les Etats-Unis sont pire qu'Al Qaîda», provoquant de vives réactions de colère chez les familles des victimes du 11 septembre. Lors de cette conférence, Fayçal Abdel Raouf poursuivait ainsi : «Nous avons tendance à oublier, en Occident, que les Etats-Unis n'ont pas moins de sang d'innocents sur les mains qu'Al Qaîda.» Des propos qui conduisent immédiatement à la question de la loyauté de Fayçal Abdel Raouf : va-t-elle à son pays ou à sa religion ? Todd Gitlin, un sociologue démocrate, estime qu'il ne peut y avoir plus américain que lui, citant pour le prouver des extraits de son livre, What's right with Islam is what's right with America où il considère que la Constitution américaine est proche de l'idéal islamique. D'autres, en revanche, tel Christopher Hitchens, journaliste à Slate, estiment la position de l'imam trop ambiguë pour être honnête. Dans les pays musulmans, ceux qui rencontrent Fayçal Abdel Raouf se méfient parfois : ses liens avec le département d'Etat américain, qui a déjà financé plusieurs de ses voyages dans le monde arabe font de lui un mystérieux personnage. Le projet, lui, bouscule la société américaine, son Président en a même été une victime collatérale. Barack Obama avait soutenu le projet avant de se rétracter : selon un sondage de Time Magazine, 43% des Américains ont une vision négative de l'Islam. Cette méfiance grandissante rejaillit sur le Président, dont beaucoup d'Américains n'apprécient guère les gestes d'ouverture vers le monde islamique, alors que les boys tombent sous les balles des talibans en Afghanistan. «C'est un musulman, il n'est pas des nôtres !», confiaient dans le Wyoming, trois cow-boys, sur un média américain après une soirée arrosée. Selon un sondage du Pew Center, près de 20% des Américains partagent cette opinion. Invoquant le deuxième nom d'Obama, Hussein (celui de son père, kényan), et le fait qu'il ne se soit pas choisi de paroisse chrétienne à Washington, ils sont persuadés que le Président a menti sur son lieu de naissance et sa religion, tirant leurs «informations» des sites de théories du complot qui pullulent sur Internet. La place de l'Islam dans la société américaine est en passe de devenir un sujet à part entière aux Etats-Unis !