Entretien express avec la tête et l'âme de cette rencontre cinématographique remarquable. Productrice de métier (Nomadis films), baignant dans l'univers du cinéma depuis trois décennies, Dora Bouchoucha préside aux destinées des Journées cinématographiques de Carthage (JCC) avec un bilan on ne peut plus positif. Un certain nombre de réformes se profilant à l'horizon pour le cinéma tunisien et les JCC, elle a accepté de répondre brièvement à quelques questions, tant sa disponibilité se fait rare : -N'avez-vous pas le sentiment d'une sélection déséquilibrée, avec trois films tunisiens pour un seul algérien, un seul marocain et plusieurs films africains uniquement anglophones ? S'il y a absence au chapitre de la compétition, ce n'est pas le cas pour les documentaires, les courts et les projets en ateliers où des films divers sont à voir. Ils révèlent un vivier de jeunes talents en Afrique francophone. De plus, il y a des films ambitieux qui sont en cours de finition et qui n'étaient donc pas prêts pour Carthage. Cela arrive à tous les festivals… -Quant aux choix des films tunisiens, c'est une commission qui en a la charge et non pas la direction des JCC… Un certain nombre de réformes du cinéma en Tunisie vont être mis en oeuvre. Pour les JCC, on parle de créer une association qui serait le lien avec le Centre du cinéma, comme cela se fait à Cannes. L'association nommerait un délégué général permanent. -Comment vous vous situez dans ce débat ? C'est en effet une réforme importante qui se profile, avec la création d'un CNC, d'une cinémathèque et d'une politique ambitieuse en matière de courts métrages, déjà amorcée lors de cette 23e session, ce qui est de bon augure. Quant à la réforme des JCC, on a toujours combattu pour. Il s'agira d'avoir à l'avenir un rendez-vous annuel (ndlr : actuellement, tous les 2 ans), ce qui suppose un bureau permanent et un délégué général permanent qui œuvreront du 1er janvier au 31 décembre. -Les festivals du Golfe (Qatar, Dubaï, Abou Dhabi) exigent une clause d'exclusivité pour les films choisis, pénalisant les JCC qui, dans leurs grandes heures, programmaient plusieurs premières mondiales. Ne serait-il pas plus judicieux de déplacer les dates de Carthage derrière ces festivals pour ne pas se priver des meilleures œuvres arabes ? De tous ces festivals, c'est Dubaï le plus professionnel. Que peut-on faire contre l'attrait des pétrodollars remis aux cinéastes en butte à des difficultés financières ? Il est normal qu'ils réagissent ainsi ou se soumettent aux desiderata des organisateurs… On assiste malheureusement à une inflation de festivals. Certes, les films ne sont pas distribués, mais ils sont vus. C'est déjà un résultat. Il faudrait une concertation quant aux dates des uns et des autres. Mais les JCC se portent bien. Outre le succès public, unique par rapport aux autres festivals, nous sommes les premiers à instituer les ateliers de bourse qui garantissent l'avenir de films en projet. Nous avons un demi-siècle d'âge et c'est la marque d'une continuité certaine. Il nous faudra choisir les films plus en amont. -Comment expliquez-vous l'incroyable engouement du public à Tunis ?` La force de Carthage, par delà tout le reste, c'est et cela restera son incroyable public, aussi fidèle que passionné.