La globalisation : une «panacée» pour les pays arabes dont les régimes sont atteints du «syndrome de l'autoritarisme». Le Pr Clement Moore Henry croit résolument aux vertus émancipatrices de la mondialisation. Invité des Débats d'El Watan, samedi à l'hôtel Mercure, l'éminent professeur en sciences politiques (université du Texas At Austin) a présenté le phénomène de la mondialisation plutôt comme une «opportunité» à saisir par les sociétés et les régimes arabes minés par les «archaïsmes» et les «blocages». Les pays en voie de développement, ceux de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) en particulier, peuvent prétendre, selon lui, à occuper une place privilégiée dans un système mondialisé, à «tirer profit» de cette globalisation à laquelle les «musulmans sont (déjà) habitués depuis plusieurs siècles». L' «hésitation», la «méfiance» de ces Etats vis-à-vis de la mondialisation, très souvent assimilée à une forme «d'impérialisme», de «néocolonialisme» s'expliquent d'après le conférencier (la communication portait sur : «Les Etats arabes à l'épreuve de la globalisation» par le fait que cette région a été longtemps sous la domination des empires coloniaux. Cette hésitation «compréhensible» par ailleurs, juge l'universitaire américain car «la mondialisation attaquait la vache sacrée de la souveraineté nationale» a laissé place, au cours des années 1990, à des «progrès considérables» après que les Etats de la région MENA eurent transposé les principes néolibéraux du Consensus de Washington dans leurs politiques économiques respectives. Théorisé en 1990 par l'économiste John Williamson sous la forme de dix propositions, (les dix commandements du consensus de Washington), celui-ci désigne un corpus de mesures standard préconisées par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale pour surmonter la crise de dettes des pays en voie de développement. S'inscrivant en porte-à-faux du Washington Consensus, les thèses développées par Clement Henry replacent les choix politiques au cœur de la problématique de développement. Dans Globalization and the politics of development in the Middle East, un des derniers ouvrages consacrés par l'auteur à la région MENA, Clement Henry souligne clairement que les principaux obstacles au développement dans les pays de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord sont avant tout «d'ordre politique». L'intérêt de cet ouvrage, anticipait au début de la conférence le politologue Mohamed Hachemaoui (concepteur du forum de Les Débats d'El Watan), réside dans la réhabilitation du politique. «Ces régions ne sont pas traversées par la bêtise, ni ne sont animées par un refus de la modernité. L'idée force de cette étude est que le politique détermine le développement économique», déclarait le Dr Hachemaoui. Fin connaisseur du monde arabe, Clement Henry distingue parmi les pays de la région MENA, trois types de systèmes politiques : les monarchies globalisées (globalizing monarchies), les démocraties précaires (precarious democracies) et les Etats bunker (Bunker states). L'Algérie, classée dans cette dernière catégorie au même titre que l'Irak, le Yémen, la Libye, le Soudan, la Syrie, l'Egypte… justifie, d'après Clement Henry, de tous les attributs de l'Etat bunker d'essence prétorienne, de l'«Etat faible» : société civile laminée et réduite à sa portion congrue, opérateurs économiques clientélisés et exclus des cercles de décision, absence de liberté économique et politique, une économie d'importation, dominée par son segment informel, une masse monétaire échappant au circuit bancaire, etc. «Ces Etats n'ont aucune qualité, souligne l'universitaire, pour monter dans l'échelle de technologie (qui commande au processus de globalisation). Pour ce faire, explique l'universitaire, ces Etats ont besoin d'un secteur privé fort, d'une société civile jouant pleinement son rôle d'intermédiaire, d'amortisseur social. Il faudrait à ce titre encourager les forces libérales, une diversification de l'économie…» Bref, plus de liberté (s). C'est le challenge auquel sont confrontés actuellement ces Etats pour se sortir de la logique des Etats bunker. Passionnés, houleux, les débats qui ont suivi la communication du Pr Clement Henry se sont essentiellement focalisés sur des questions de politique nationale, de nature du régime, etc.