Des milieux diplomatiques européens affirment que le nouveau concept stratégique est le document le plus important après le texte fondateur de l'Alliance, en 1949. Lisbonne (Portugal). De notre envoyé spécial C'est demain que s'ouvre à Lisbonne le 24e sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) avec, à l'ordre du jour, une nouvelle doctrine. Il s'agit de ce qu'on appelle déjà le nouveau concept stratégique, une projection de l'Alliance créée en 1949, sur les prochaines décennies et, partant, un net démenti à ceux qui veulent croire que cette organisation, née en pleine guerre froide, a fait son temps. D'un autre côté, les leaders des vingt-huit Etats membres se réuniront samedi en sommet avec la Russie, l'objectif étant de tourner définitivement la page de la guerre froide et d'établir les règles d'un partenariat entre les deux parties. Un troisième sommet réunira par ailleurs les membres de l'OTAN et la vingtaine de pays engagés avec eux dans la guerre en Afghanistan, très certainement pour mettre au point la nouvelle stratégie qui se profile avec le retrait annoncé des troupes américaines d'ici juillet prochain et la recherche d'une solution pacifique, autrement dit des négociations avec les talibans chassés du pouvoir en 2001 et qui considèrent depuis peu que celui-ci est à leur portée. Il y a enfin ceux qui s'invitent – une règle dirait-on – avec les traditionnelles manifestations contre l'OTAN. Un sommet qualifié d'ores et déjà d'historique pour une organisation qui ambitionne de jouer un rôle mondial, comme c'est déjà le cas avec le Kosovo. Cela pose ainsi le problème du rôle de l'OTAN, déjà qualifiée de nouveau gendarme du monde, un rôle contesté par différents intervenants qui ont, en ce qui les concerne, la particularité de poser autrement la question de la gestion des affaires internationales, et pas toujours de manière univoque. Il reste que l'OTAN ne semble nullement envisager sa disparition en se fixant de nouvelles missions dans le cadre du tout nouveau concept stratégique. Des milieux diplomatiques européens affirment que le nouveau concept stratégique est le document le plus important après le texte fondateur de l'Alliance, en 1949. Son objectif est de rénover l'Alliance, s'agissant d'identifier les nouvelles menaces, mais aussi les moyens et la manière de les combattre. Durant les décennies de la guerre froide, l'OTAN a adopté quatre concepts stratégiques, dont deux depuis la fin de la guerre froide. Celui que ce 24e sommet doit entériner a été examiné dans cette forme en octobre dernier par les ministres de la Défense et des Affaires étrangères de l'Alliance – un fait rare sinon unique. C'est le troisième depuis l'effondrement de l'Union soviétique et du bloc de l'Est. C'est aussi l'un des plus controversés, jusque dans son financement qui pose problème. Le projet en question, dévoilé dans ses grandes lignes en mai dernier, a été élaboré par «un groupe des sages» comprenant notamment l'ancienne secrétaire d'Etat US Madeleine Albright. Plus exactement, il s'agirait de consacrer l'émergence de nouveaux pôles, comme l'Union européenne désespérément absente des scènes mondiales, ou encore de conflits sur son propre territoire qu'elle n'a pu gérer qu'en s'engageant avec l'aide d'autres puissances. Ce qui réduit d'autant son ambition. Mais le monde n'est plus ce qu'il était avec l'apparition de nouvelles puissances, sauf que ces pays revendiquent une place entière dans les rapports internationaux. Autrement dit, ne plus être ceux que l'on invite et accepter que le rôle de partie invitante soit exercé par d'autres. On a vu, ces derniers mois, comment se sont faits les tours de table. Un véritable débat qui agite les enceintes internationales sur ce qu'on appelle communément la démocratisation des relations internationales, mais qui se heurte à un véritable mur du silence. Et pour cause, des places sont en jeu et élargir le cercle des puissances revient à au moins atténuer le rôle de celles qui se revendiquent comme telles. Cela se voit au refus d'élargissement du Conseil de sécurité par ceux-là mêmes qui y siègent en permanence et, à ce titre, détiennent le fameux sésame. Quant à l'OTAN, elle n'anticipe pas un débat, elle le contourne bien au contraire, parce que l'argument utilisé jusque-là par l'Alliance pour faire entériner son intervention armée en dehors de l'Europe, c'est le blocage, selon elle, qui pourrait exister au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Pour d'autres, c'est d'éviter justement qu'il y ait débat et au bout du compte un veto qu'exercerait au moins un membre afin de manifester son désaccord. Même au sein de l'OTAN, les choses ne sont pas aussi simples qu'on pourrait le penser, puisque les sujets qui fâchent sont nombreux, surtout depuis que le président américain a lancé un autre débat, celui d'un monde sans armes nucléaires. Et ce n'est pas tout, car Barack Obama a d'autres idées, comme celle qui consiste à introduire la règle de la majorité alors que depuis la création de l'OTAN, c'est le principe de l'unanimité qui régit le processus décisionnel. Donc de douloureux compromis. Une véritable révolution si elle venait à être adoptée et, au-delà, une nouvelle politique qui, pour beaucoup, n'est pas difficile à percevoir en l'état actuel des rapports en son sein. Des alliances dans l'Alliance. Ou encore d'octroyer au secrétaire général, par temps de crise, de larges pouvoirs dignes d'un véritable commandant en chef de l'Alliance. C'est aussi une question de sous d'autant plus difficile à résoudre qu'aucun pays n'a été épargné par la crise. Une excuse que les Américains semblent récuser, puisque selon le secrétaire général de l'OTAN, ils seraient prêts à chercher d'autres alliés si les Européens font trop d'économies sur leurs forces armées. Ce que viennent d'annoncer la Grande-Bretagne et l'Allemagne. De toute façon l'OTAN, qui n'entend pas s'arrêter à ces considérations, affiche ses nouvelles ambitions en se projetant sur les prochaines décennies. Que cela s'appelle rénovation, modernisation ou nouvelles menaces, cette organisation refuse tout simplement de disparaître. Elle s'est contentée de prendre acte de la fin de la guerre froide avant d'annoncer de nouvelles doctrines.