Il y a 50 ans, le 11 décembre 1960, les Algériens manifestaient pour réaffirmer le principe de leur autodétermination contre la politique du général de Gaulle, visant à maintenir l'Algérie comme partie de la France dans l'idée d'une «Algérie algérienne». La venue du président français, le 9 décembre 1960 à Aïn Témouchent, a provoqué les premières manifestations, politisées le 11 décembre par le FLN. Ce dernier en profite pour faire entendre à la communauté internationale qu'il est le représentant officiel du peuple algérien. Les manifestations durent une semaine. Alors que samedi, sortira un supplément de la revue Naqd sur cette date historique, El Watan Week-end revient sur un tournant décisif dans la guerre de libération. - Vous avez prévu un supplément de la revue Naqd pour les événements du 11 Décembre 1960… Oui, c'est un supplément qui regroupe quelques contributions d'historiens de renom, des approches différentes du 11 Décembre 1960. On y retrouvera Mohammed Harbi «Significations et portée de décembre 1960», Maurice Vaïsse «Décembre 1960 en Algérie vu du côté gouvernemental français», Hartmut Elsenhans «Les manifestations de Décembre 1960 et la reconnaissance de la Révolution algérienne», des documents d'archives. J'y ai aussi écrit un article relatif aux effets des manifestations de Décembre 1960 sur les maquis algériens - Pensez-vous que les jeunes Algériens soient conscients de la symbolique de cette date historique ? Les jeunes Algériens ne sont pas informés, ni formés sur la symbolique, ni sur l'événement lui-même. Tout comme le 17 Octobre 1961 ou Juillet 1962. Il y a un problème de rupture de la transmission du savoir par l'école et par la tradition orale. En réalité, ces jeunes n'ont pas d'antériorité ni de postériorité, ils sont contemporains avec eux-mêmes. - Quel a été l'impact médiatique et diplomatique des manifestations du 11 Décembre 1960 ? L'impact a été considérable. L'ensemble des médias lourds, la presse quotidienne et hebdomadaire internationale ont repris l'information. Ces événements constituent un tournant historique pour l'Algérie. Cela a confirmé la crédibilité du FLN et de l'ALN comme représentants de la nation et du peuple algérien. Les premières manifestations qui avaient commencé le 9 n'étaient pas encadrées par le FLN clandestin à l'époque (il avait été démantelé). Deux, trois jours plus tard, le FLN a politisé les manifestations. La communauté internationale avait compris que ce n'était pas le FLN ou l'ALN qui s'exprimait, mais toute la population algérienne, qui est devenue le peuple algérien au singulier. - Quels sont les effets liés directement à l'événement sur la guerre de libération ? Au plan intérieur, les troupes françaises étaient partout, particulièrement dans les montagnes, emplacement de l'Armée de libération algérienne affaiblie par le plan Challe (série de grandes opérations menées par l'armée française de 1959 à 1961, ndlr). L'armée française avait donc repris le contrôle des maquis et avait une position dominante. Les manifestations ont obligé l'état-major français à décider de contrôler les villes, devenue une menace. Ce qui a redonné vie à l'ALN et lui a redonné des forces. Autre conséquence : le référendum du 8 janvier 1961, lorsque le général de Gaulle a demandé à la population de voter pour ou contre l'autodétermination. La France a fini par se convaincre que c'était le moment de se retirer d'Algérie, et surtout de sauver ses intérêts stratégiques en Algérie. Et bien sûr les négociations d'Evian au mois de mars 1961. Les Français ont accepté de négocier officiellement avec le FLN, et le GPRA plus tard. Enfin, conséquence sur le plan international : la reconnaissance du GPRA comme représentant du peuple algérien. Le tournant décisif ? Ce qu'on appelait avant «les populations algériennes» est devenu «le peuple algérien», acteur principal et à part entière de sa libération. Voilà pourquoi en juillet 1962, on a entendu des slogans comme : «Un seul héros, le peuple».