La création de zones économiques spéciales au Maghreb ou en Algérie dépend fortement de la volonté politique même si les complémentarités économiques existent pour mettre en place des zones franches ou de libre-échange créatrices d'emplois et de richesses. C'est la conclusion tirée des propos des économistes et des opérateurs sur la création de zones économiques spéciales tant en Algérie et/ou entre pays maghrébins. Ils estiment que l'Algérie n'est pas prête économiquement malgré la diversité interne que connaît son économie, selon l'économiste Joël Ruet, spécialiste des économies émergentes. Deux expériences ont été mises en route depuis plusieurs années : l'une, la communauté économique maghrébine qui s'inscrit comme étant une alternative à l'Union du Maghreb arabe (UMA) dont la création date de février 1989 et l'autre en la création d'une zone franche à Bellara (Jijel). L'une comme l'autre n'ont pas abouti à ce jour en raison de multiples facteurs expliqués par des intervenants dans ce dossier. Pourtant, l'Algérie possède des potentialités, selon les économistes, qui lui permettent de concrétiser au moins la deuxième expérience, celle de Bellara, en revoyant son mode de gestion. Pour la zone maghrébine, la conjoncture actuelle n'est pas favorable sur le plan politique aux pays du Maghreb et «prématurée» sur le plan économique en Algérie, comme avancent les opérateurs qui estiment que ce genre de rapprochement «n'est pas dans l'intérêt de notre économie». Le commerce intermaghrébin se fait en monnaies nationales Pourtant, entre pays maghrébins, «une disposition de l'Union du Maghreb arabe (UMA) prévoit que les exportations puissent être payées par l'acheteur avec sa monnaie nationale, mais du fait que les monnaies du Maghreb aient une convertibilité limitée, les opérateurs préfèrent recourir aux devises convertibles (euros, voire dollars)», indique Farid Bourennani, expert-financier. Ainsi, «les échanges inter-maghrébins n'offrent pas plus d'attractivité puisqu'ils pèsent aussi sur les réserves de change», relève-t-il. Cet expert rappelle qu' «en matière d'investissements et du fait que les entreprises algériennes même exportatrices ne possèdent que peu ou pas d'encaisses devises, tout projet d'investissement à l'étranger (zone Maghreb incluse) doit faire l'objet d'une autorisation auprès de la Banque d'Algérie» et que «les faits démontrent que cette autorisation est systématiquement refusée à quelques exceptions près pour des projets de Sonatrach ou des prises de participations de banques publiques à l'étranger». A l'inverse, «les entreprises tunisiennes ou marocaines ont beaucoup plus de latitude pour se développer à l'étranger notamment pour se donner la possibilité d'une intégration verticale en contrôlant soit l'amont ou l'aval de leurs activités principales», a-t-il signalé. Conséquence, «il est désespérant de constater qu'il n'y a aucune multinationale d'origine algérienne», note M. Bourennani. En absence d'un ministère de l'économie rien n'est possible De plus, en l'absence d'un ministère de l'Economie en Algérie, et constatant que la rente pétrolière fait que «l'économie est au service du politique et non l'inverse. Souvent malmenée». Un constat qui explique en partie l'incapacité de l'Algérie de créer des zones économiques spéciales ou zones franches en raison de «l'inexistence d'un ministère de l'Economie en est un symbole à mes yeux d'une perte de vision globale, nous avons connu outre un ministère des Finances, un ministère du Commerce, un ministère de la PME-PMI, un ministère de l'Industrie, un ministère de l'Artisanat, un ministère de la Privatisation et de la promotion des investissements et un ministère de la Statistique et de la prospective». Il souligne qu' «ailleurs les acteurs économiques sont choyés, car ce sont les seuls créateurs de valeur et contribuent pour l'essentiel du budget de l'Etat». Conclusion, «l'Algérie a une approche économique trop conservatrice avec absence de constance dans la stratégie dans la durée. Les changements de cap sont souvent emprunts de craintes, crainte des crises mondiales, crainte de la mondialisation, crainte de l'adhésion à l'OMC, crainte d'accord d'association avec l'Union européenne, crainte d'une union économique maghrébine, crainte de la zone arabe de libre-échange». Car «il y a toujours l'idée sous-jacente du risque de la perte de souveraineté et de la suspicion quant à la malveillance des investissements étrangers qui ne seraient là que pour piller les richesses algériennes». Pour rappel, sur la question de la zone franche maghrébine, selon l'APS, bien que favorable, le président du Forum des chefs d'entreprise (FCE), Réda Hamiani, suggère la mise en place d'une nomenclature de produits à échanger dans le cadre de cette zone tout en optant pour une ouverture commerciale progressive qui tient compte des intérêts de l'économie nationale. Pour M. Hamiani, le déséquilibre dans la production industrielle entre l'Algérie, où ce secteur représente à peine 5% du PIB et la Tunisie et le Maroc, où il dépasse les 18%, engendrerait systématiquement des échanges déséquilibrés. Soutenant le gouvernement dans son projet de limiter la zone franche maghrébine au commerce, il a proposé la tenue de réunions techniques et professionnelles pour définir cette démarche. Les opérateurs algériens le rejoignent et estiment qu'il est «prématuré» de créer une zone franche maghrébine alors que la production nationale fait défaut. Il est utile de rappeler que dans les années 1980, l'Algérie souhaitait faire une intégration maghrébine par les produits en raison de son industrialisation, et ses voisins tunisiens et marocains préféraient la faire par le marché puisqu'ils ont développé un réseau de PME-PMI, selon Lakhdar Khaldoun, ingénieur et consultant chez KLI Conseil.