La grogne sociale augmente chaque jour d'un cran. Plus d'un millier de citoyens en colère, de divers horizons, ont assiégé, hier, le palais présidentiel à El Mouradia. Quatre mouvements de contestation, séparés, se sont rencontrés à quelques mètres seulement de la première institution du pays. Les enseignants contractuels, les victimes du terrorisme, les rapatriés de Libye et les ex-militaires, ont tous tenu des rassemblements sur la même place. C'est dire que la présidence de la République est devenue la mecque des protestataires. Le bal des sit-in est ouvert par les enseignants contractuels, déjà sur place depuis plus d'une semaine. Ces derniers ne décolèrent toujours pas. Et ce n'est pas le silence radio de la tutelle qui devrait arranger les choses. Leur rassemblement a failli se transformer en drame à cause de l'impatience, la fatigue et le désespoir de plusieurs contestataires. Vers 11h, un enseignant de Blida, la vingtaine bien entamée, ingurgite de l'essence avant de s'asperger en tentant de s'immoler par le feu et en criant amèrement : «On a eu la licence, maintenant on s'offre l'essence.» Suite à cet incident, c'était la pagaille générale. Les services de police, fortement présents, ont eu recours à la force pour absorber la crise de colère et l'hystérie des enseignants contractuels. Le résultat final de cet accrochage est de plusieurs blessés dont un dans un état grave. «Nos deux camarades blessés ont été transférés vers l'hôpital. Ils sont hors de danger», a rassuré Myriem Maârouf, la présidente du Conseil national des enseignants contractuels (CNEC). «Le ministre de l'Education a envoyé l'un de ses représentants, durant l'après-midi, pour nous demander une nouvelle audience de dialogue. Et nous avons refusé de le voir. Il n'a qu'à annoncer notre intégration et tout le problème sera réglé», a-t-elle souligné. La porte-parole du CNEC affirme que «les enseignants contractuels ne reviendront pas en arrière. Ils camperont sur leurs positions même au détriment de leur santé et de leur vie». Conforté par «la solidarité de la population du Golf à leur tête Mme Djamila Bouhired et le soutien de plusieurs syndicats autonomes (le CLA, le Cnapest et l'Unpef)», les quelque 550 enseignants mécontents refusent de se décourager et comptent maintenir leur sit-in, jour et nuit, jusqu'à satisfaction de leurs revendications. Tous chez le Président… A quelques pas de ce rassemblement «habituel», se tenaient trois autres. Les familles des victimes du terrorisme, banderoles et pancartes à la main, ont scandé durant toute la matinée leurs slogans, réclamant une prise en charge effective de la part de l'Etat. Conjointement, les rapatriés algériens de Libye ont tenu un autre rassemblement où ils ont lancé un SOS aux autorités publiques pour leur venir en aide. «Nous sommes des victimes d'une tragédie humaine. Nous sommes des rescapés, voire des sinistrés d'une catastrophe humanitaire», disaient-ils. Ils demandent l'intervention urgente de l'Etat pour les secourir. Ces citoyens algériens, installés en Libye depuis plusieurs années, ont été spoliés de leurs biens immobiliers et de leur argent à cause du conflit armé libyen. Ces «victimes algériennes d'El Gueddafi» réclament des indemnités, un quota spécial de logements sociaux et des facilités pour une réinsertion socioprofessionnelle.Les alentours de la Présidence étaient exigus pour contenir un quatrième sit-in. Pourtant, c'était le cas. Il a été organisé par les contractuels de l'Armée nationale populaire (ANP). Ces anciens militaires, radiés des corps de l'ANP pour invalidité non imputable au service, demandent plus de considération pour «services rendus à la nation». Ils réclament essentiellement la revalorisation de leur pension et leur prise en charge médicale et sociale. Sur place, leur seul souci était de faire entendre leur voix au premier magistrat du pays. «Nous lançons un appel de détresse au président Bouteflika. Tu es le seul qui peut nous aider», ont crié ces protestataires à leur tour.