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Parcours, l'écriture et le désert (I)
Les territoires mythiques de Brahim El Kouni
Publié dans El Watan le 08 - 12 - 2005

Même si la poésie arabe antéislamique a fait de la thématique du désert un atout vital pour la création et l'écriture, le roman n'a que rarement réagi et d'une façon très entrecoupée et vraiment occasionnelle, avec une discontinuité très visible qui n'a pas aidé cette thématique à s'imposer comme espace à ré-explorer et revisiter constamment.
Il y a eu quelques écrits, mais jamais une thématique entièrement consacrée au désert, loin des cartes postales ou des contraintes politiques pétrolières et autres. Le désert comme espace qui a généré avec le temps un mode plein de vie, de pensées, de légendes, de nouveaux rapports avec le temps... Bref, un monde avec ses propres lois. Seul un écrivain arabe, romancier très connu, qui fait depuis plus de 30 ans du désert sa passion et les fondements de son imaginaire, pas seulement par choix, mais aussi par nécessité puisqu'il est descendant d'une grande famille touareg : Brahim El Kouni. El Kouni est libyen, écrivain de renommée mondiale. Il vit depuis quelques années en Suisse sous contrôle médical permanent à cause d'une maladie gastrique qui demande beaucoup d'intérêt médical non disponible en Libye. Il est l'exemple le plus visible et le plus frappant de ce qu'on appelle aujourd'hui la littérature du désert. Par ses origines berbères targuies, il a su faire du monde des Touareg l'univers idéal de sa création en faisant revivre tout ce qui sommeillait en eux et dans leurs légendes porteuses de tous les rêves et les dérives d'une vie sédimentée, dont seules aujourd'hui les histoires racontées ou les peintures rupestres sont porteuses de ce monde englouti par le temps et les érosions. Les effacements permanents n'ont rien laissé que ces incommensurables mythes qui viennent de la nuit des temps nous rappeler les âges disparus à jamais, la première enfance de l'humanité. Les romans de Brahim El Kouni sont très attachés aux petits détails du terroir targui, comme s'il y avait une certaine peur de la désintégration et de la disparition des dernières traces de toute une vie. Dès le début, El Kouni trace son territoire et impose ses frontières et sa thématique centrale qui fait de lui aujourd'hui un écrivain incontournable dans ce domaine. Il a su redonner vie et mouvement à un substrat que l'histoire n'a pu rendre visible dans ses tous petits détails du quotidien. On redécouvre cette aire disparue à jamais, comme au premier jour de la création ; les animaux vivent avec les hommes dans une symbiose de la nature avec cet instinct permanent de vie et d'existence. On ne tue pas pour tuer, mais pour vivre et pour garder la continuité de l'espèce humaine qui est obligée de fabriquer ses premières armes pour se défendre d'abord et pour chasser ensuite. Dans les romans de Brahim El Kouni, les dessins rupestres quittent les murs des grottes et des pierres tracées par le temps pour redevenir ce qu'elles étaient depuis des millénaires : une véritable vie. Un univers foisonnant, une jouissance et une passion dans lesquelles se conjuguent écritures et vie. Même si El Kouni a commencé à publier depuis 1973 avec la sortie de ses premiers recueils de nouvelles : La prière en dehors de son temps (1974), Une goutte de sang (1983), et de son premier roman fleuve de quatre tomes L'Eclipse lunaire en 1989 (Le Puits, l'Oasis, Les nouvelles du second déluge et l'appel de la montagne mythique), il est resté inconnu et très mal apprécié. C'est surtout avec la sortie de ses deux romans parus en 1990 : Poussière d'or (At Tibre) sortie en traduction française chez Gallimard et Le saignement de la pierre (Nazif al hajar) chez Péninsule que Brahim El Kouni s'est imposé comme grand écrivain arabe incontournable et a eu la notoriété qu'il mérite. Son grand travail, c'est qu'il a aidé à la régénération des vieux thèmes, bannis ou oubliés, et qui sont restés l'apanage de la poésie antéislamique. Son œuvre compte aujourd'hui plus d'une trentaine de romans, nouvelles et légendes targuis. Traduit dans plusieurs langues dont l'allemand, l'espagnol, l'anglais et le français, il a eu plusieurs prix littéraires en Suisse, en Allemagne, le grand prix national en Libye et le dernier en date, celui de la création littéraire arabe décerné par l'université Assahib Bnu A'bbad à Asila (Tanger). Dans son dernier roman Mon Vaste Désert, quatre dominantes sont visibles et qui, d'ailleurs, traversent toute la littérature d'El Kouni : Le grand Sahara, espace éternel et lieu de naissance des grands symboles et des grands mythes dans lesquels s'entrelacent le vécu difficile et une certaine joie de vivre et de partage entre tous les êtres vivants : nature, hommes et animaux. Il y a aussi le langage qui naît des grands besoins et des fragilités humaines face à la solitude et la peur. Apprendre d'abord à apprivoiser la nature par la parole. Créer un contact et une écoute qui ne sont pas toujours facile à faire. Une mise en avant d'un langage avec lequel on apprend à dialoguer avec tout ce qui nous entoure comme au premier moment de la création, juste après ce big-bang qui a vu le soleil se détacher d'une partie si chaude de lui-même pour meubler le vide de l'univers. Tout parle en même temps, le vent, le sable, les arbres, les animaux et les hommes, il faut juste savoir écouter. Ce qui paraît être noyé dans un silence sans fin n'est autre chose que cette parole cachée dans les grains de sable et transmise par le mouvement des vents et par la continuité constante du temps. Entre Nord et Sud, les choses n'ont pas les mêmes valeurs et ne sont pas perçues de la même manière. En se déplaçant, elles perdent leur sens premier. Tout dépend de la géographie dans laquelle on se retrouve. La parole au Nord est un moyen de communication comme d'autres ; au Sud, elle est la vie elle-même, c'est elle qui meuble les angoisses, le vide et la peur. C'est à travers la parole qu'on apprend à raconter, mais c'est aussi par elle que se fait l'apprentissage de la chasse et la défense du territoire agressé. La troisième dominante, c'est l'amour. Il porte en lui les grains de la sagesse, mais aussi ceux de la mort qui se fond dans un rituel où la vie cède ses espaces à la mort et vice-versa. Une mort qui n'est pas une fin en soi, mais synonyme de déplacement et d'éternité. « Il l'a prise dans ses bras et la tira vers lui. Marmonna des mots qui ressemblaient à la poésie. Elle murmura : Sir, tu croyais que le désert cache tous les secrets ? Il laissa échapper un dernier soupir comme celui d'un agneau qu'on égorge. Dans un dernier geste salutaire, elle toucha du bout des doigts la tête de son poignard et le laissa s'enfoncer dans le corps fragile et frêle au même moment elle sentit la froideur du métal transpercer sa chair. Tout doucement et sans aucune résistance, les poignards s'enfoncent simultanément jusqu'aux poignets. Le sang gicla des deux corps comme les sources des monts du nord et se mélangea indéfiniment. » (Les herbes de la nuit,1997- p164). Tout est très cher parce que tout s'arrache à coup de peines, de dangers et de sueurs. Le Sahara est plus qu'un désert sans vie. Le quatrième et dernier élément est les mythes qui font des écrits d'El Kouni, une œuvre authentique et vivante. Dans chacun de ces mythes le grain de vérité résiste à toutes les érosions puisqu'il est l'histoire elle-même en l'absence de celle-ci. La vraie mémoire du désert. Rien ne meurt, il se stratifie et attend le moment propice pour se manifester. Les mythes et les légendes disent les grands secrets cachés de la nature, le mode de vie des générations disparues depuis la nuit des temps et les conflits tribaux ; ils ne sont autre chose que le langage d'un temps muet. El Kouni garde ses histoires à l'état brut et premier, comme pour ne pas entacher leur authenticité et leur spontanéité. Très imprégné par la vie de son peuple targui, El Kouni ne fait que retracer cette vie invisible qui refuse de disparaître à travers les dédales des temps révolus. Il redonne vie à un monde qui, aujourd'hui, n'est que grains de sable. On retrouve les points d'eau que le temps a irrémédiablement desséchés, les oasis vertes pleines de mouvement et de vie, les mouflons qui tracent leurs territoires et qui se battent à mort quand leurs espaces sont agressés ou leur intimité bousculée. L'écrivain s'installe dans le mythe pour l'explorer et lui redonner vie en traversant les premiers âges de l'humanité. Et même si quelques-uns de ses thèmes se répètent constamment, l'œuvre romanesque de Brahim El Kouni ressemble en finalité à son temps saharien qui suit tout naturellement son cours dans les continuités les plus ennuyeuses et les discontinuités les plus brutales. La littérature du désert ne peut naître que de la poussière dans laquelle elle ouvre les yeux, de l'eau qui sort de la chair de la pierre et des échos qui l'entourent, disait-il en définissant son travail romanesque. Certes, ce ne sont que des mots qui ont, peut-être, perdu, avec le temps et les injustices de la nature, de leur clarté, néanmoins ils gardent leur sens premier et juste : tout est absolu et rien ne naît rien.

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