En s'adressant, hier soir, à la nation trois mois après les émeutes de janvier et au moment où la contestation sociale prend de l'ampleur au risque de paralyser le pays, le chef de l'Etat a fait le bilan d'une première décennie et tracé les perspectives d'une deuxième décennie. S'il est incontestable que la première décennie a connu des réalisations socioéconomiques nationales importantes dont la principale est la réconciliation nationale qui a permis le rétablissement de la sécurité et le retour de la paix, il est non moins incontestable que cette même décennie s'est distinguée par un déficit de légitimité des institutions élues, une fermeture du champ politique et médiatique, privant le pays de l'apport de nouvelles compétences et d'un contre-pouvoir crédible et par une aggravation des inégalités sociales et le développement de la corruption à grande échelle encouragée par l'impunité et l'absence de transparence dans la gestion publique. S'agissant du programme de réformes socioéconomiques et politiques annoncées, il appelle au moins cinq remarques : -1) Le cadre institutionnel désigné pour la réalisation de ces réformes est un cadre obsolète dépassé au sein duquel évoluent des forces politiques incapables aujourd'hui d'encadrer la dynamique sociale en cours et impuissantes depuis une décennie à défendre la Constitution et les lois violées par l'Exécutif et notamment la loi sur les partis politiques. -2) Les réformes annoncées aussi bien par leur nombre que par leur portée ne peuvent être réalisées en une année, à moins qu'elles ne soient déjà prêtes, auquel cas l'élargissement de la consultation en dehors de ce cadre obsolète ne sera que de pure forme et n'aura d'objectif que la reconduction sous un nouvel habillage d'un système de plus en plus contesté. S'agit-il là d'une tentative destinée à désamorcer la contestation croissante ou l'expression d'une conviction destinée à prémunir notre pays contre ce qui se passe dans son environnement immédiat et lointain ? Quelles sont donc les garanties pour que cette attitude change réellement ? -3) Dans ce renouveau souhaité, le chef de l'Etat exhorte les partis politiques à «activer dans le cadre de la Constitution et de la loi» ; or, à ce jour, c'est bien le pouvoir qui ne respecte ni les institutions élues, ni la Constitution et la loi en refusant sans justification légale d'agréer de nouveaux partis politiques, des syndicats et des associations. -4) L'annonce de réformes politiques est la preuve que la crise que traverse le pays est une crise politique dont les mouvements de contestation sociale ne sont qu'un aspect. Que ceux qui prétendent le contraire au sein de l'Alliance présidentielle au pouvoir tirent les conséquences de leur désaveu public par le chef de l'Etat. Enfin, il appartient à tous les Algériens, quelles que soient les intentions affichées ou inavouées du pouvoir, de rester mobilisés dans la sérénité et la discipline jusqu'à la traduction dans les faits du changement pacifique imposé par l'évolution de la société. Le secrétaire général