Le photographe Rudolf Lehnert a découvert l'Afrique du Nord presque par hasard. Il ne regrettera jamais sa traversée. Celui qui est connu pour ses photos sur les Ouled Naïl a su regarder la Tunisie et l'Algérie avec des yeux nouveaux. Le livre commence comme un conte. Il y a deux siècles, Rudolf Lehnert découvrait l'Orient grâce à la Tunisie. En 1903, il se retrouve à Palerme et réalise qu'il n'est qu'à onze heures de bateau de Tunis. Il s'embarquera, c'est la révélation de l'Orient. « Cette révélation est l'origine de plaques photographiques dont les épreuves inondèrent le marché mondial. Son art, d'inspiration le plus souvent picturale, se caractérise par des compositions toujours soignées, une réalité mise en scène et reconstituée avec talent, un don de narrateur et de portraitiste incomparable, la maîtrise totale des effets de lumière ainsi qu'un goût très prononcé pour une sensualité qui n'a strictement rien à voir avec un quelconque "sous-érotisme" colonialiste », explique Michel Mégnin, ancien lauréat du Concours du jeune historien de France, spécialiste de Lehnert et Landrock. L'aventure orientale de Rudolf Lehnert est aussi celle de son complice Ernst Landrock. Le photographe et l'homme d'affaires ont créé un duo très performant, alliant l'art et le savoir-vendre. Le premier photographie les Ouled Naïl, au sud de l'Algérie, le peuple de Tunis, les rues du Caire. Le second se charge de trouver des clients. Leur amitié de près d'un quart de siècle, une complicité aussi bien intellectuelle que commerciale, sont à l'origine d'une œuvre singulière sur un Orient fantasmé. Les deux complices ne se satisfaisaient pas du réel, ils le mettaient en scène. Quand il n'est pas imaginé, comme pour le harem. Il se dégage de l'œuvre une forte sensualité, un trouble vertigineux. Les photos et les cartes postales ne reflètent nullement la réalité. Elles racontent une histoire, un conte. « C'est aussi un conte, car ma photographie de Rudolf Lehnert n'a pas la prétention de nous montrer la réalité telle qu'elle est : le voudrait-elle qu'elle ne le pourrait d'ailleurs pas, la subjectivité du photographe occidental rendant impossible une telle ambition », affirme Michel Mégnin. C'est surtout un voyage dans un pays imaginaire et réel. Un conte de Mille et Une Nuits. En photos. Et avec une sensibilité à fleur de peau. Un livre dépaysant, forcément érudit.