Deux expositions importantes sont proposées ce printemps dans les deux grandes villes du Sud-Est français, Lyon et Marseille. Si l'un rend hommage au «Génie de l'Orient», l'autre, au bord de la mer, traite de «l'Orientalisme en Europe, de Delacroix à Matisse». En voici un premier regard. Lyon De notre correspondant Depuis quelques semaines à Lyon, d'immenses placards publicitaires ont annoncé à grands frais l'exposition «Le génie de l'Orient, les arts de l'Islam», qui se déroule jusqu'au 4 juillet au Musée des Beaux-arts. Une manière indirecte de saluer au passage l'importante communauté arabe que renferme l'agglomération lyonnaise Au cours du XIXe siècle, avec son expansion coloniale, l'Europe découvre un nouvel univers visuel, celui des arts de l'Islam. Le marché de l'art et les collections privées contribuent à forger un nouveau regard et un nouveau savoir à travers les voyages et les expéditions, le développement de la photographie, les publications, les expositions. A l'occasion de voyages, nombre de collectionneurs constituent des ensembles d'œuvres souvent spectaculaires qui témoignent de l'émerveillement de l'Occident pour l'Orient. L'exposition au Musée des Beaux-arts de Lyon suggère que l'univers occidental, et particulièrement la France, demeure aujourd'hui l'héritier de ces nouveaux codes visuels. La présentation de la découverte des arts de l'Islam donne naissance à deux révélations saisissantes. D'abord qu'elle s'inspire des décors des palais et harems pour une vision fantasmée de la fable orientaliste ; ensuite qu'elle est portée par les théoriciens de l'ornement et certains artistes d'avant-garde. Ceux-ci recherchent dans l'art de l'Islam une nouvelle esthétique qui pourrait transformer les codes de représentation occidentale. Tapis et tissus, céramiques, métaux, marqueteries de bois ou encore d'ivoire introduisent un nouveau répertoire de formes, de motifs et de techniques. L'exposition illustre ces deux visions à travers différents parcours individuels ou collectifs : pionniers, voyageurs, photographes ou collectionneurs sont fascinés par l'originalité de cette nouvelle culture visuelle alors même que l'histoire de la représentation est en crise. Le parcours s'achève avec l'évocation d'un moment d'espoir utopique : celui où des artistes, comme Henri Matisse ou Paul Klee, ont rêvé, peu avant la Première Guerre mondiale, d'une fusion entre regard «occidental» et regard «oriental». La deuxième exposition, d'abord surprenante, a lieu depuis samedi à Marseille, au centre de la Vieille Charité, et elle se tiendra jusqu'au 28 août. Elle s'intitule «L'Orientalisme en Europe, de Delacroix à Matisse». La fascination pour l'Orient qui traverse l'histoire de l'art occidental connaît un essor tout particulier au XIXe siècle. Entre la campagne d'Egypte de Bonaparte (1798-1801) et le séjour de Matisse en Afrique du Nord (1906), l'Orientalisme va connaître son véritable âge d'or. L'Orientalisme est indissociable de l'expansion coloniale européenne. Le déclin de l'empire ottoman, l'implantation des puissances européennes au Moyen-Orient, en Afrique du Nord vont ouvrir aux artistes les portes d'un monde qui restait jusque-là difficilement accessible. Au cours de son voyage au Maroc en 1832, Delacroix pensera trouver dans le dépaysement oriental des réponses à son profond désir de renouvellement. La première génération de ces artistes fixe ainsi les traits fondamentaux d'un imaginaire que tant d'autres reprendront, d'Ingres à Gérôme. Bientôt les peintres seront nombreux à faire le voyage vers l'autre bord de la Méditerranée, certains d'entre eux y faisant même de longs séjours. Ils se confronteront alors à la réalité des paysages, de la vie quotidienne des populations conquises. Un autre regard se développe, plus réaliste, déjà ethnographique, attentif à l'autre, et à sa fascinante différence. Renoir, Matisse, Kandinsky et Klee, feront comme tant d'autres le voyage en Orient. Avec plus de 120 œuvres, peintures et sculptures, venant des plus grandes institutions internationales et de collections particulières, l'exposition offre un vaste panorama de l'Orientalisme. Cette exposition préfigure les grands rendez-vous artistiques que Marseille proposera dans le cadre de l'année 2013 où elle sera capitale européenne de la culture.