Comment passer des demi-mots à la pleine parole ? Ce premier recueil de poésie de Lahcen Moussaoui confirme comment le poète a émergé du diplomate dans une œuvre mettant en évidence un auteur talentueux, sensible et généreux, tant en personne qu'en poésie. Agrémenté par des peintures de l'artiste Lazhar Hakkar, ce recueil est préfacé par un grand nom de l'art et de la poésie, en l'occurrence Mustapha Toumi, qui le voit comme une «œuvre écarquillée, mais visionnaire et extralucide», où la rime «y est un tapis sur un désert palpitant d'oasis, de nymphes, de houriates et de naïades». Le verbe «y est sonorité abrupte et varappe gravissant tous les escarpements jusqu'au piton belvédère, tant convoité pour la bannière et le sindjaq, le souffle y souffle jusqu'à l'essoufflement», ajoute cet homme connu pour son intégrité intellectuelle et son engagement, ainsi que son célèbre «Sobhane Allah Yaltif», poème sublime chanté par El Anka. Cette noble appréciation du recueil émane d'un amour profond et sincère de l'œuvre, commencée à Taghit où Lahcen Moussaoui séjourne périodiquement. Je fus le témoin privilégié de l'éclosion de ses premiers vers. Nos séjours à travers les vastes contrées sahariennes ont été les moments forts de l'inspiration de ce poète que j'inscris parmi mes meilleurs amis et les hommes qui ont un véritable amour de notre culture nationale. J'ai vu ce poète à Taghit griffonner sur d'innombrables feuilles ses vers lors de nos périples à travers les dunes dorées et les palmeraies de cette paisible cité du sud-ouest. Lahcen Moussaoui écrit en dédicace à son recueil : «Un cri d'amour/ Un cri de douleur/ Pour l'Algérie/ Et l'Algérienne/ Et surtout/ A la mémoire de ma mère/ Immense et patiente grande école/ Qui, par le non-dit et le non-écrit/ M'a appris à aimer/ A respecter la femme/ A ma femme/ Mon amour/ A ma fille/ Mon espoir.» A ces amours-là déjà immenses est venue s'ajouter l'immensité d'un amour pour le Sahara qu'il évoque avec force : «Ces vastes espaces/ Désertiques/ Arides, comme on dit/ Arides, en vérité/ Pour les seules âmes perdues/ Victimes de leur propre aridité.» L'aridité est donc bien dans les âmes et pas dans la nature ou dans ce Sahara qui renvoie étrangement, pour le poète, à Soustara, en plein Alger, quartier de son enfance et de sa jeunesse. «Comment me détacher/ me soustraire de Soustara ?» se demande-t-il avec une belle allitération ? Mustapha Toumi a raison d'écrire : «Si l'Etat a perdu un grand commis, la culture nationale s'est, pour sa part, renforcée d'un poète, d'un artiste». Celui-ci nous fait oublier le politique et le diplomate pour se révéler sans doute à nous et peut-être aussi à lui-même.
Lahcen Moussaoui Dialogue d'un fou avec lui-même, en quête de ton amour impossible, Casbah Edition, Alger, 2008. 200 p.