Encore une fois, la force publique vient de déloger les petits revendeurs qui obstruent avec leurs ballots à longueur de journée le long des rues Bab El Oued et Ahmed Bouzrina. Une opération coup-de-poing de la puissance publique qui a eu maille à partir avec les squatters de l'espace public, dernier maillon de la chaîne du trabendo au moment où les nababs du négoce qui se trouvent en amont font florès, tirant de substantielles prébendes du climat des affaires qui a pignon sur rue. Mais d'un autre côté, on préfère fermer l'œil pour ne pas dire faire montre de magnanimité à l'égard d'autres petits revendeurs qui n'activent plus à la sauvette, comme ceux qui bouchent les abords du marché des Trois-Horloges ou encore les indus occupants de la rue Ali Amar (ex-Randon) qui, depuis belle lurette, bloquent quasiment le passage avec leurs éventaires de fripe. Difficile de libérer ces espaces publics longés d'étals qui, parfois, sont cédés aux meilleurs enchérisseurs du beylik à des prix oscillant entre 30 à 40 briques, nous dit-on. Des conquérants qui, signe des temps, s'arrogent le droit par l'usage — le laxisme de l'autorité publique aidant — de s'offrir une prescription acquisitive, piétinant à loisir sur les territoires communs de la collectivité. Et bien entendu, «tout usage finit par se changer en abus», pour reprendre la citation de Jean Dutourd. Et gare à celui qui osera les prier de libérer quelque empan pour le passage, il recevra une trique et, dans le meilleur des cas, il essuiera des propos injurieux, laisse entendre un gars fréquentant ces lieux réputés pour être un marché juteux de produits pyrotechniques, notamment. Ce gonze qui, roulant des mécaniques et bombant le torse, affirme à mon ingénu ami, avoir «amassé un pactole en moins de deux ans, lui permettant d'acquérir une villa grâce aux dividendes tirés des joyeusetés mouloudéennes» (feu de Bengale, bombes et double bombe). Dans cette kermesse de rue congestionnée par les petits revendeurs, où chacun fourgue n'importe quoi, n'importe où et n'importe comment, il n'est pas moins vrai qu'il faille, selon le rappel à l'ordre du Premier ministre aux acteurs économiques, s'attaquer à la racine du mal et non au mal. N'est-ce pas qu'il est un lieu commun de dire que la cible demeure tout indiquée ? Celle-là même qui nourrit l'informel grâce aux accointances œuvrant dans l'ombre. A l'ombre des containers.