Avancée depuis quelques années déjà, l'idée d'une solution négociée au conflit afghan a quitté les chemins obscurs pour devenir une option sérieuse, que même les Etats-Unis n'excluent plus. Il y a deux années, le chef de l'Etat afghan, Hamid Karzaï, était encouragé à explorer cette possibilité, avec des éléments modérés, disait-on alors, et des contacts préliminaires ont même eu lieu en Arabie Saoudite. Sauf que cette fois, la négociation mettra face à face Américains et talibans, que les premiers avaient chassés du pouvoir en Afghanistan en novembre 2001. Et ces mêmes Américains tout autant que l'OTAN ont décidé de mettre fin à leur présence en Afghanistan, déclarant que leur mission est achevée, même si la relève pose problème. Plus simplement, son efficacité est contestée. Qu'en est-il donc maintenant que les Américains eux-mêmes reconnaissent qu'il y a négociation avec les talibans ? Effectivement, le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a déclaré, dimanche 19 juin 2011, que le département d'Etat ainsi que les autorités d'autres pays conduisaient des discussions préliminaires avec les talibans en Afghanistan. Ces déclarations interviennent au lendemain de celles du président Karzaï qui a affirmé que les Etats-Unis avaient entamé des négociations avec les talibans. Il s'agissait de la première confirmation officielle de pourparlers directs entre Washington et les talibans. Dans le cadre d'un processus dit de réconciliation, les Etats-Unis exigent que les talibans renoncent à la violence, rompent tout lien avec Al Qaîda et respectent la Constitution afghane. Jusque-là secrètes, les négociations ont connu trois rounds, et l'Allemagne en était le médiateur, et c'est un quotidien américain qui en avait fait état le premier en février dernier. Et même si la guerre se poursuit, les voies du dialogue demeurent ouvertes, sans que l'on connaisse exactement la teneur de l'ordre du jour. Ce qui est connu, et cela avait été formalisé lors du dernier sommet de l'Alliance atlantique en novembre dernier au Portugal, c'est la perspective d'un retrait de la coalition étrangère d'ici 2014, même s'il en est qui doutent de la faisabilité d'une telle perspective, le régime du président Karzaï étant qualifié de faible et accusé de corruption. Ce qui ne l'empêche pas lui aussi d'aller vers cette solution, et très récemment, il a demandé au Conseil de sécurité de l'ONU de lever les sanctions imposées à une cinquantaine de responsables talibans, une demande perçue comme un signal envoyé à ces derniers. Il y a au sein du Conseil une volonté «d'adapter le régime des sanctions aux exigences politiques qui surgissent», avait estimé début juin le chef du comité chargé des sanctions, l'ambassadeur d'Allemagne aux Nations unies Peter Wittig. L'ex-président afghan Burhanuddin Rabbani, chef du Haut-Conseil de la paix (HPC), créé mi-2010 par M. Karzaï pour amorcer le dialogue, a récemment assuré avoir eu des contacts avec les diverses composantes de l'insurrection. Si l'approche est suivie avec intérêt, elle tarde néanmoins à produire des résultats, sauf à croire qu'il est difficile d'en obtenir, pour la simple raison que les pourparlers n'ont pas dépassé le stade exploratoire. La question se poserait aussi et peut être même surtout en termes d'interlocuteurs, «beaucoup de gens essaient de parler aux talibans et, eux, souhaitent discuter», bien que leur commandement rejette publiquement toute négociation avant le départ des troupes étrangères, souligne une source occidentale. Le 5 décembre prochain, doit avoir lieu à Bonn une conférence sur l'Afghanistan. Le principe de cette conférence avait été décidé en novembre dernier à la demande du président afghan. Fin 2001, les factions afghanes s'étaient déjà réunies à Bonn sous l'égide de l'ONU pour décider de l'issue politique au renversement du régime des talibans. Dix années plus tard. Pour quels résultats et quelle perspective ?