Des conseillers américains et des Nations unies en Afghanistan appellent le président Hamid Karzaï à ne pas précipiter un accord avec les insurgés dans le cadre d'un processus de réconciliation nationale qui pourrait durer plusieurs années, ont rapporté des responsables occidentaux vendredi. Si le processus de réconciliation mené par Karzaï a fait naître l'espoir de pourparlers avec les taliban, il a également mis au jour des différences entre la stratégie défendue par Washington et celle soutenue par Kaboul. Le président afghan prévoit d'organiser le 2 mai prochain au Pakistan une "jirga de la paix" pour favoriser la réconciliation avec les insurgés. Des groupes d'insurgés ont déjà essayé de se positionner en vue des négociations, aussi éloignées semblent-elles être, indiquent des responsables. L'administration Obama, qui s'est engagée à déployer 30.000 soldats supplémentaires avant un retrait progressif du contingent du pays d'ici à la mi-2011, se montre sceptique face au calendrier de Karzaï mais réfléchit à accorder son soutien à ce qui pourrait devenir une stratégie associant "pourparlers et affrontements". Les parties prenantes du conflit, Islamabad, Washington et Kaboul, pourraient se mettre d'accord sur les conditions d'une réconciliation d'ici à la fin de l'année, prévoient Graeme Lam, haut conseiller pour les Etats-Unis et le général Stanley McChrystal, commandant des forces alliées dans le pays. Mais selon Lamb, "faire preuve de précipitation pour parvenir à un accord ne serait ni bénéfique ni durable." Un haut diplomate américain impliqué dans le processus a déclaré, sous le sceau de l'anonymat, que le processus de réconciliation, une fois lancé, pourrait durer au moins trois ans en raison de la complexité des dossiers et de la division des acteurs-clefs. Des responsables américains redoutent que Karzaï tente de conclure un accord avec certains groupes d'insurgés sans attendre qu'un consensus ne soit atteint sur les détails du processus de réconciliation et ses participants. Une telle attitude pourrait compromettre la stratégie militaire du président Barack Obama, soulignent-ils. Lors de réunions à huis clos, des responsables américains se disent frappés de voir avec quel sérieux Karzaï semble essayer d'aboutir à un accord en vue d'une réconciliation. Si Washington soutient les efforts destinés à convaincre les taliban de déposer les armes, ils restent persuadés que seule une pression militaire peut fragiliser l'insurrection et permettre à Karzaï d'entamer les négociations "en position de force". Mais un haut diplomate américain présent à Kaboul a fait savoir que Washington réfléchit depuis quelque temps à adopter une position plus ouverte en matière de réconciliation, y compris à soutenir la proposition de Karzaï de tendre la main aux responsables talibans décrits par le Pentagone comme "irréconciliables", à l'image du Mollah Omar. "Il est vraiment important que nous essayions d'établir une série de conditions" pour la réconciliation, a déclaré Lamb. Les taliban ont rejeté l'offre de pourparlers de Karzaï mais un autre groupe d'insurgés, Hezb Islami, a dépêché une délégation à Kaboul pour présenter un plan de paix. L'amiral Mike Mullen, chef d'état major inter-armés américain, a déclaré qu'il revenait à Karzaï de décider s'il fallait se réconcilier avec des groupes d'insurgés, à l'image d'Hezb i Islami, engagés dans des combats contre les troupes étrangères. Mullen, qui était en Afghanistan cette semaine, a déclaré qu'il ne considérait pas les premiers pourparlers "comme une action déterminante et décisive pour l'instant", a-t-il ajouté. Notons que sur le terrain le contingent allemand basé dans le nord de l'Afghanistan a abattu par erreur six soldats afghans, déclare le gouverneur de la province de Kunduz. Dans un communiqué, l'Isaf (Force internationale d'assistance à la sécurité) a confirmé la mort "d'au moins cinq soldats afghans". Elle a expliqué que deux véhicules civils sans marques distinctives s'étaient approchés d'une unité allemande et ne s'étaient pas arrêtés malgré plusieurs avertissements des militaires. "Les informations préliminaires indiquent que les deux véhicules civils faisaient partie d'une patrouille de l'armée nationale afghane en route vers Kunduz", a ajouté l'Isaf. L'unité allemande était, elle, en route vers le site d'un accrochage survenu quelques heures auparavant, au cours duquel trois soldats allemands ont trouvé la mort et cinq autres ont été grièvement blessés, a précisé la force internationale.