L'Union des commerçants et artisans d'El Tarf, forte de 9900 adhérents, menace de déclencher une grève illimitée et de l'étendre aux autres wilayas frontalières du pays, si les autorités centrales, le chef du gouvernement et le ministre des Finances, précise un communiqué, ne suppriment pas la disposition de la loi de finances 2005 qui amende un décret de février 1979 qui fixe la liste des produits qui tombe sous le coup de l'article 220 du code des douanes. En clair, des produits de large consommation, ceux susceptibles d'être destinés à la contrebande comme les matériaux de construction, les carburants, les boissons, les laitages, l'huile, la semoule... devront dorénavant faire l'objet d'une autorisation de circuler délivrée par l'administration des douanes avant d'être livrés sur le territoire de la wilaya frontalière. Pour être encore plus clair, une livraison de produits en question ne peut s'effectuer à El Tarf que si son propriétaire a pris soin de se faire délivrer une autorisation de circuler aux douanes de Annaba au vu de la facture et des papiers du véhicule qu'il doit présenter aux contrôles routiers et en fin de parcours aux douanes d'El Kala (El Tarf). Selon l'article 220 du code des douanes, les contrevenants risquent une amende égale au montant des coûts cumulés de la marchandise saisie et de celui du véhicule assortie d'une peine de 10 à 20 ans de prison. Peines qui ont lourdement augmenté depuis l'entrée en vigueur cette année des décrets 05-52 et 05-53 relatifs à la lutte contre la fraude. Ces mesures étaient déjà en application pour certains produits et marchandises, comme par exemple le bétail. La disposition de la loi de finances 2005 n'a fait qu'élargir la liste des marchandises, nous a précisé un responsable des Douanes algériennes. L'activité des petits commerçants représente 98% du secteur à El Tarf et la disposition de la loi de finances en application depuis une quinzaine de jours vient de sonner le glas du petit commerce. Selon le président de l'association, il va surtout favoriser le marché informel, les spéculateurs et les pénuries qui se font déjà sentir. Propos confirmés par un responsable de la direction du commerce et des prix qui ajoute que la facturation est une obligation, mais comme chacun sait, rares sont les transactions commerciales qui s'y soumettent. Dans ce cas précis, elle est inévitable et il y a une chaîne de contrôles qui exclut a priori les privilèges, les passe-droits et les transgressions de toutes sortes. Les propos ont été durs lors de la rencontre qui s'est déroulée mardi dernier dans la salle de réunion de la mouhafadha du FLN en présence des parties concernées par cette crise. Car c'en est une. Fait inhabituel, les commerçants et les consommateurs ont trouvé un terrain d'entente et convenu d'unir leurs efforts pour remédier à la situation qui, cela ne fait aucun doute, va se répercuter sur la bourse des petites gens. Les commerçants et les artisans disent qu'ils comprennent parfaitement que l'Etat prenne des mesures aussi énergiques pour contenir la contrebande qui saigne le pays et les citoyens, mais c'est prendre le problème par le mauvais bout et l'aveu d'un échec annoncé. On en veut pour preuve l'univers de la contrebande qui s'est incrustée solidement à l'ouest du pays et à l'ombre de la même loi en vigueur depuis 1979. C'est plus facile aussi de donner le change en s'attaquant aux petits commerçants plutôt qu'aux barons de l'import-export. La facture devrait être exigée en premier lieu aux grossistes et à leurs dépositaires dans les zones de marchés informels qui fleurissent et s'épanouissent un peu partout dans le pays. La décision de soumettre des produis à une autorisation de circuler ne sera pas sans effet sur l'activité commerciale d'El Tarf surtout si elle se double de toutes les épreuves de la bureaucratie. Les participants à la rencontre ont, pour finir, adopté un communiqué qui sera transmis aux autorités centrales dans lequel ils font part de leur situation qu'ils trouvent injuste, comparée aux faveurs accordées aux wilayas kabyles exonérées de taxes pour 2 ans et à celle des wilayas non frontalières qui vont bénéficier de cette manne, puisque les consommateurs préféreront s'approvisionner à Annaba, comme les localités à l'ouest de la wilaya. Ce sera plus difficile pour la partie orientale, celle d'El Kala, qui traîne déjà la réputation d'être la région la plus chère du pays. « C'est aussi nous demander d'aller nous installer ailleurs », ont conclu les membres de l'association. Les responsables tentent d'apaiser les esprits en promettant de trouver une solution temporaire acceptable à cette situation et les parlementaires présents se sont engagés à œuvrer pour la suppression de la disposition de la loi de finances. Sans trop y croire, les commerçants et artisans se sont donné une semaine pour attendre une réponse sans ambages des autorités, sinon c'est la grève illimitée, ont-il promis à leur tour.