L'application du code des marchés publics aux EPE suscite remous et contestations. Certaines dispositions du décret présidentiel d'octobre 2010 avaient, pourtant, été modifiées afin d'offrir plus de «latitude en cas d'impérieuse nécessité». Cela n'a pas suffi. Le code qui dérange tant les managers publics a même fait réagir le ministre de l'Industrie, de la PME et de la Promotion de l'investissement. Mohamed Benmeradi a d'ailleurs relancé la polémique autour de l'article 02 du décret présidentiel du 7 octobre 2010, avant de se renier de manière bien étrange. Le fait est que les dispositions du texte mettent en porte-à-faux les exigences de préservation des deniers publics et les objectifs de croissance de l'entreprise. Les entreprises publiques économiques chargées de la réalisation d'une opération financée sur concours de l'Etat se trouvent soumises ainsi à une gestion bureaucratique. De l'avis de l'économiste auprès de la Banque mondiale, M'hamed Hamidouche, l'article 2 du code des marchés publics instaure une gestion parallèle de l'entreprise publique, laquelle peut créer des situations conflictuelles. Le manager public, censé se préoccuper de considérations liées aux coûts et aux profits avant d'engager toute dépense ou investissement, se trouve malgré lui emprisonné dans des procédures purement administratives. L'EPE, a défaut d'être une entité économique et commerciale, devient une entité administrative. Un point de vue partagé par le directeur de l'Institut de développement de l'entreprise et de gestion, Liès Hamidi, qui considère que l'entreprise publique économique est soustraite du régime de droit commun par divers instruments légaux. Le docteur en droit pense qu'on ne peut pas affirmer que l'entreprise publique économique est régie par les règles de la commercialité ou soumise au code de commerce, et qu'elle ne peut être considérée comme une société commerciale. L'élargissement du champ d'application du code des marchés publics est, selon lui, un pan supplémentaire d'un corpus législatif qui a induit le rétrécissement de la liberté d'action du manager public. L'entreprise publique risque ainsi de ressembler à une administration publique. Les EPE sont soumises à divers contrôles en interne et en externe. Les investigations de l'IGF, de la Cour des comptes et du contrôle financier se chevauchent et alourdissent ainsi le dispositif de vérification des dépenses de l'entreprise publique. EPE ou administration publique ? Liès Hamidi estime aussi que tous ces contrôles qui viennent compléter ceux qui existent préalablement et les dispositions du code de commerce entravent le bon fonctionnement de l'entreprise. La lourdeur des procédures est aussi illustrée par les contrôles internes. Le docteur en droit met le doigt sur «la commission d'ouverture des plis, la commission d'évaluation des offres et d'autres commissions créées pêle-mêle par les organes de gestion, de peur de subir les foudres de l'autorité étatique à travers ses institutions de contrôle». Considérant que l'entreprise est une «réalité économique, humaine et financière à laquelle la société sert d'enveloppe juridique», il pense que l'EPE ne peut connaître de croissance sans de véritables pouvoirs dévolus aux organes de gestion. Le seul souci doit être pour eux, l'intérêt social de l'entreprise, qu'il ne faut pas confondre avec l'intérêt de l'Etat actionnaire. C'est justement sous l'argument de la préservation de l'intérêt de l'Etat, que la préservation des deniers publics de toute forme de détournement a été mise en avant au détriment du gaspillage des ressources et des deniers publics. Et quel meilleur exemple de gaspillage que les 180 milliards de dollars injectés depuis la fin des années 1980 dans des opérations d'assainissement financier, sans résultats palpables en retour.