La dernière nuit de l'année 2005 dans la wilaya de Tipaza, contrairement aux précédentes, s'est avérée plus calme. Les familles ont préféré fêter la Saint-Sylvestre chez elles. La route n'est pas mouillée, pourtant le ciel était menaçant en fin de journée. Au centre de la cité du Chenoua à 20h 45, il n'y a point de lumière. Le siège de la Protection civile est éclairé grâce à son groupe électrogène. Un accident s'est produit au niveau d'un poteau électrique entraînant une panne générale. Le directeur de la Protection civile se trouvait en compagnie de ses éléments au foyer des pompiers. A quelques dizaines de mètres du siège de la Protection civile, la vente de bière et de vin rouge se déroule dans l'obscurité totale. Le parking affiche déjà complet, alors qu'il n'est que 21h. A proximité de ce parking qui n'inspire pas confiance, nous nous dirigeons vers « un hôtel » réputé du Chenoua. Une foule mixte de consommateurs bruyants est occupée par des discussions qui créent un brouhaha. La fumée a transformé l'atmosphère du bar. Le gérant de cet hôtel vient de faire fonctionner son groupe électrogène pour ne pas gâcher la fête. Au poste des opérations de la Protection civile, on nous informe qu'un véhicule vient de heurter deux citoyens à la cité Saint Maurice (commune de Fouka). Les deux victimes ont été évacuées vers l'hôpital de Koléa ; tandis qu'à Bou Ismaïl, un citoyen tente de se suicider. Les policiers, selon nos interlocuteurs, se trouvent devant le logement pour éviter le drame. Durant la journée à la cité Kerkouba (Koléa), trois véhicules ont été incendiés, ce qui a nécessité l'intervention des éléments de la Protection civile, nous indique-t-on. Le village du Chenoua demeure dans l'obscurité. Les agents de Sonelgaz, venus sur les lieux, ont promis de revenir le lendemain pour la réparation. Au complexe touristique de Matarès, une ambiance de fête particulière règne. Le complexe connaît une timide animation. La forte présence des éléments de la Gendarmerie nationale a certainement dissuadé les jeunes trop nombreux venus se défouler. Nous sommes surpris par la qualité de la clientèle qui n'est pas celle qui nous « agresse » habituellement. 1500 DA le dîner dansant. Il est 21h 55, le très ancien Farid, en tenue officielle, affiche sa satisfaction et nous annonce que 200 couverts sont déjà pris. « Nous souhaitons ajouter juste 20 autres après l'arrivée des retardataires », nous annonce-t-il avec son traditionnel sourire. Une affiche à Matarès qui nous étonne en ces ultimes moments de l'année de 2005 indique qu'une tenue correcte est exigée pour l'accès. Soupe de poisson, vol-au-vent aux fruits de mer, contre-filet, sauce chasseur avec de la pomme noisette, haricots verts et du gratin de chou-fleur, une corbeille de fruits et une bûche de nouvel an, tel est le menu spécial réveillon proposé par les responsables du complexe Corne d'or aux locataires. La radio Bahdja diffuse un témoignage sur le début de la lutte armée et le héros Ahmed Zabana est cité. L'indépendance du pays a été acquise grâce aux sacrifices de son peuple et de ses jeunes combattants. El Bahdja a bien fait de le rappeler en ces moments précis du passage de 2005 à 2006, où de nombreux Algériens font la fête chez eux en toute liberté. Les localités de Tipaza, Aïn Tagouraït, Bou Ismaïl, Fouka-Marine y compris Douaouda-Marine sont désertes. Très rares sont les magasins qui ont laissé leur rideau ouvert. Il est 23h 25. Au niveau de la plage Colonel Abbas, à l'extrémité est de la wilaya de Tipaza, l'ambiance est localisée à travers deux cabarets notoirement connus. Il s'agit de l'Arc-en-ciel et de l'Aquarium. Les parkings sont bondés de véhicules immatriculés des wilayas du centre du pays. Des grappes humaines éparses se trouvent dans ces parkings. Une aubaine pour ramasser de l'argent. A côté de la plage, un groupe d'hommes s'est formé autour d'un jeune. « Il n'y a rien à craindre » Ils ont faim. La grillade de morceaux de dinde de Magtâa Kheïra semble avoir du succès. Les décibels se dégagent des véhicules en stationnement le long de cette voie qui longe la plage Colonel Abbas. L'éclairage de la plage Colonel Abbas laisse à désirer, prenant de surcroît de l'ampleur par rapport à l'année écoulée à la même période. « Les voyous sont à l'origine de la dégradation des lieux, nous informe un gendarme en faction en ces moments tardifs de la nuit du 31 décembre 2005. Une situation qui leur permet de voler et d'agresser les citoyens qui s'aventurent ici. Maintenant, vous n'avez rien à craindre, vous pouvez continuer votre balade nocturne. » De retour, une halte au niveau d'un poste de gendarmerie à Douaouda-Marine nous a permis de rencontrer le commandant du groupement de la Gendarmerie nationale de Tipaza, en civil, la tête couverte d'un bonnet en laine, une manière de se fondre dans l'environnement. Il nous annonce l'arrestation d'un dangereux groupe de malfaiteurs, composé de femmes et d'hommes, qui sévissait depuis la plage Colonel Abbas jusqu'à la wilaya de Blida, ayant à son actif plusieurs agressions et vols à main armée. Il est 00h10. Les dix premières minutes de l'année 2006. Au moment où nous allons quitter le poste de gendarmerie, deux citoyens, dont l'un avait le visage couvert de sang, s'arrêtent pour informer les services de sécurité d'une agression qu'ils viennent de subir à la sortie ouest de la rocade. Selon leur récit, les agresseurs étaient à bord de deux véhicules. Nous quittons les lieux et nous nous dirigeons vers Fouka-Ville. C'est une ville fantôme. Un détour au siège de la BMPJ de la Sûreté nationale pour présenter nos meilleurs vœux à ces éléments des services de sécurité. Il est 1h15, l'orchestre du complexe Corne d'or vient de plier bagage. Au complexe Tipaza Village (ex-CET), à 1h45, le seul couple qui a résisté jusqu'à cette heure tardive abandonne sa table. En quittant le complexe touristique, les fêtards font de l'auto-stop. Le quotidien a repris son cours, seule l'année vient de changer. 2006 s'installe dans l'indifférence totale.