Les informations ayant évoqué dernièrement l'existence de «profondes» divergences autant au sein du Conseil national de transition libyen (CNT) que dans les rangs des forces rebelles ne semblent être qu'une simple vue de l'esprit. Passées en sourdine depuis le début de l'insurrection contre le régime du colonel El Gueddafi, celles-ci ont éclaté au grand jour au lendemain du mystérieux assassinat, le 27 juillet dernier, du général Younes Abdelfatah. Ces informations viennent encore d'être corroborées par deux nouveaux faits : la décision de Mustapha Abdeldjalil, le chef politique des insurgés, de dissoudre le bureau exécutif du CNT (cette structure fait office de gouvernement par intérim) et la demande express formulée hier par les responsables d'une vingtaine de brigades de la rébellion qui exigent le départ de leur ministre de la Défense, Djalal El Dougheili. La raison ? Ceux-ci le tiennent pour responsable «indirectement» de la mort du général Younes Abdelfatah. «Le ministre de la Défense doit être tenu pour responsable de l'assassinat du chef d'état-major», accusent les responsables de 17 brigades dans un communiqué qu'ils ont cosigné et distribué aux médias internationaux présents à Benghazi. Concrètement, ils reprochent à leur supérieur hiérarchique d'avoir «ignoré les plaintes et les nombreux rapports sur les performances de Younes Abdelfatah» qui lui étaient adressés par les unités combattantes. Ces 17 chefs de guerre reconnaissent, en clair, que ce sont eux qui ont ordonné la liquidation de l'ancien ministre de l'Intérieur de Mouammar El Gueddafi. Cette révélation infirme, en tout cas, la thèse selon laquelle il existerait une «cinquième colonne» pro-Gueddafi derrière les lignes rebelles. Ce n'est pas tout. Les mêmes responsables militaires réclament également la tête d'Ahmed Hussein Al Darrat (Intérieur) auquel il est reproché de trop travailler avec les anciens policiers du régime, au détriment des brigades de volontaires. Ces éléments suffisent déjà pour dire qu'il n'existe actuellement qu'une guerre de leadership au sein du CNT qui va crescendo. Celle-ci oppose actuellement les anciens piliers du régime du colonel El Gueddafi et les insurgés qui n'ont jamais eu à exercer de grandes responsabilités politiques avant l'éclatement de l'insurrection. Organe politique de l'insurrection, le Conseil national de transition (CNT) a été créé, rappelle-t-on, le 27 février, soit dix jours après les premières manifestations contre El Gueddafi. Pour des raisons de sécurité, seuls 13 de ses 31 membres, qui représentent les principales villes du pays, ont dévoilé leur identité. Plus de la moitié sont donc inconnus de l'opinion. Outre la guerre de leadership évoquée plus haut, deux facteurs s'ajoutent au malaise qui entoure aujourd'hui le CNT. Le premier tient à sa composition hétéroclite. Le CNT est composé de militants des droits de l'homme exilés à Londres, de monarchistes de Senoussi basés à Genève et d'islamistes du Front national pour la sauvegarde de la Libye, dont le siège est installé à Riyad. Et tous ces acteurs ne voient pas forcément toujours dans le même sens. Le second tient au fait que les postes-clés sont détenus par des personnalités issues du régime d'El Gueddafi, parmi lesquelles figurait le général Younès. Pour de nombreux observateurs, c'est justement ce caractère hétéroclite qui fait que Mustapha Abdeldjalil ne dispose pas encore de réelle emprise sur la réalité du terrain. Sur le front, les rebelles libyens ont déclaré hier avoir gagné du terrain dans l'Est, où ils seraient aux portes de Brega. Ils ont indiqué aussi avoir lancé une offensive dans l'Ouest pour mettre fin aux tirs de roquettes contre leur enclave de Misrata. Aucun bilan de cette offensive n'avait toutefois été rendu public hier. Il n'était pas possible également de confirmer les informations avancées par l'un ou l'autre des camps en conflit. De nombreux experts soutiennent l'idée que dans l'état actuel des choses, aucune partie ne prendra l'avantage sur l'autre. Ils parlent même d'enlisement et de surchauffe des forces de l'OTAN qui viennent d'ailleurs de retirer du théâtre des opérations un porte-avion français. Sur le terrain diplomatique, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a fait part jeudi de son inquiétude concernant le nombre «inacceptable» de civils tués dans le conflit libyen, y compris à la suite de frappes de l'OTAN.