Le cheptel ovin a atteint, en Algérie, cette année, quelque 19 millions de têtes dont 10,3 millions de brebis, soit une augmentation de 2 millions de têtes par rapport à l'année précédente, selon Amar Assabah, directeur de la régulation et du développement des produits agricoles au ministère de l'Agriculture et du Développement rural. L'Aïd El Adha sera célébré cette année à un moment où le marché des ovins est marqué par une « disponibilité importante », affirme ce responsable aux yeux duquel ce produit est largement « suffisant » pour répondre aux besoins de cette fête. Mais cette « disponibilité » de l'offre a-t-elle réellement une influence sur les prix du mouton ?Ces conditions sont-elles idéales pour que la loi de l'offre et de la demande fonctionne et laisse peu de place à la spéculation dont a tant souffert le consommateur pendant des décennies ? Ce n'est pas si évident lorsqu'on sait que le marché du mouton demeure toujours non réglementé dans notre pays. Le marché des ovins représente un enjeu important pour les producteurs et les revendeurs qui profitent de l'occasion pour revoir à la hausse les prix. Cela n'empêche pas aussi, comme à l'accoutumée, la prolifération des maquignons d'occasion. En effet, en raison de la forte demande, beaucoup de personnes se sont converties, à l'occasion, en maquignons pour réaliser des bénéfices. Depuis quelques jours, ils occupent des pans entiers de la périphérie d'Alger, mettant à mal le cadre de vie des citoyens ainsi que les espaces verts. Des marchés informels naissent alors un peu partout à travers les localités et les quartiers de la capitale sans que les autorités s'en soucient outre mesure. Que ce soit aux abords des routes et des autoroutes, dans les parcs et jardins publics et même dans les magasins, la vente du bétail attire les engraisseurs d'occasion, en quête de gains substantiels. Pis, à défaut de réglementer cette profession, l'on constate que les autorités locales - du moins dans certaines localités - ne se soucient guère de la prolifération de ces marchés à bestiaux. S'il est vrai que dans certains endroits de la capitale, des aires réglementées sont dégagées, ce n'est pas le cas des dizaines d'autres points de vente, où il est fait fi du contrôle sanitaire et du risque patent lié à ce commerce, celui du kyste hydatique notamment. A ce titre, le directeur des services vétérinaires du ministère de l'Agriculture et du Développement rural, le Dr Rachid Bougueddour, prévient que le cheptel qui se met aux abords de la route ou de l'autoroute ne sera pas contrôlé. Le ministère diffuse d'ailleurs un spot publicitaire à travers toutes les wilayas, où il est demandé à tout citoyen de ne pas acheter son mouton dans les marchés ou points de vente non réglementés et sans contrôle vétérinaire. Pour M. Bougueddour, ce qui pose problème aujourd'hui, c'est l'hygiène, notamment le risque lié au kyste hydatique. Il déplore les centaines d'opérations chirurgicales subies par l'homme, chaque année, à cause de ce kyste. Mais ce vétérinaire a estimé utile d'ajouter que sur le plan sanitaire, « le cheptel se porte bien cette année, on n'a pas de pathologies particulières ». La santé du cheptel, selon ce responsable, s'est révélée correcte grâce à des campagnes de vaccination menées « dans de bonnes conditions » à travers le territoire national, pendant les mois requis de mai et de juin. N'empêche qu'un dispositif de surveillance des points de vente, réglementés par les autorités locales, est mis en place et des équipes vétérinaires sont mobilisées par le ministère pour contrôler les bêtes, a indiqué M. Bougueddour, en ajoutant que des brigades mobiles se déplaceront pour contrôler les abattoirs, ouverts le jour de l'Aïd. Ainsi, sur un autre plan, ce haut responsable estimera que « la disponibilité » de la population ovine devait contribuer à rendre « abordables » les prix des moutons. Expliquant sa projection de prix « abordables », ce responsable a indiqué que plusieurs paramètres entraient dans la fixation du prix, en l'occurrence la disponibilité ainsi constatée des animaux, la qualité de l'alimentation du bétail, qui est bonne cette année, et les prévisions pluviométriques qui s'annoncent favorables à l'approche de l'hiver. Cependant, le constat est tout autre dans les marchés aux bestiaux. la coutume est incontournable... En effet, lors d'une virée dans certains marchés de la capitale, il nous a été donné de constater que le mouton de moyen gabarit se négocie actuellement à 16000 DA, voire plus dans certains endroits. S'il est vrai qu'à ce prix, une faible baisse des coûts a été enregistrée par rapport à la même période de l'année écoulée, il n'en demeure pas moins que le mouton reste cher, relativement au revenu des ménages. Car, 16 000 DA la tête représente ni plus ni moins... que le double du SMIG. C'est donc, comme chaque année, dans la fièvre des prix du mouton, que commencent les préparatifs de la fête de l'Aïd El Adha. Pour beaucoup de familles, c'est encore la saignée, car elles devraient faire face à l'une des plus grandes dépenses de l'année. Sans être une obligation religieuse, cette fête ronge les économies et les budgets des ménages et pousse à l'endettement. Chaque chef de famille, qui peine déjà à épargner, doit acheter un mouton et de le sacrifier selon le rituel. Avec un salaire minimum garanti de 8 000 DA, certains ne se laissent pas décourager par le coût exorbitant du mouton et des préparatifs qui l'entourent : gâteaux, vêtements neufs pour les enfants... La coutume est incontournable. En être exclu est durement vécu par les familles modestes qui préfèrent s'endetter pour y faire face. « Ne pas pouvoir faire le sacrifice, nous pose un problème de conscience », témoigne na Louisa. Veuve mère de 9 enfants, na Louisa ne peut compter sur la paye de son unique fils et préfère donc solliciter son voisin pour un emprunt afin de satisfaire sa progéniture. Salah, par contre, n'est pas de cet avis. Il pense tout simplement qu'il ne peut pas se le permettre, avançant comme raison qu'avec la rentrée scolaire de septembre, le Ramadhan en octobre et l'Aïd El Fitr en novembre, il n'a pu mobiliser de l'argent pour l'achat du mouton. Comme ce père de famille de trois enfants, il y a des centaines d'autres qui ne pourront pas faire le sacrifice du mouton de l'Aïd... En attendant que leur situation sociale s'améliore.