Après La brèche et le rempart, Badreddine Mili vient de signer, aux éditions Chiheb, à l'occasion de la 16e édition du Sila, un nouveau roman, Les miroirs aux alouettes. Cet auteur, discret et exigeant à la fois, a bâti une œuvre romanesque qui reflète, à travers un personnage central, les espérances et les désillusions de l'indépendance. Il dédicacera son ouvrage vendredi le 30 septembre à 15h, au stand Chiheb Votre dernier livre, La brèche et le rempart, se termine sur le départ du Stopha vers l'université. Ce personnage principal, nous le retrouvons dans votre dernier roman Les miroirs aux alouettes, militant d'avant-garde Motivé par la grande espérance qui avait couronné son combat alors qu'il était un adolescent de la guerre, impitoyablement écrasé par le système colonial, Stopha croit ingénument prendre possession, en entrant à l'université, d'un pays devant appartenir à tous, un pays devenu l'adresse révolutionnaire par excellence, du monde. En vérité, Les miroirs aux alouettes, qui est un roman politique contrairement à La brèche et le rempart qui est un roman historique, répond aux exigences morales d'un projet qui voulait rendre justice et hommage aux militants intellectuels qui avaient refusé d'être «des scribes», en défrichant, en ces années là, de façon téméraire et désintéressée, de nouvelles terres défiant «les frontières , les pôles, les fuseaux, les équinoxes, les latitudes et les longitudes» -Les miroirs aux alouettes lève le voile sur la problématique des élites face au pouvoir et dans l'histoire contemporaine de l'Algérie. Sous quel angle avez-vous amorcé leur vécu, leur positionnement politique et leurs ambitions ? Les miroirs aux alouettes c'est l'histoire de la dispersion, de l'atomisation et des rivalités entre les élites algériennes qui traînent derrière elles un héritage empoisonné, depuis le début de l'occupation coloniale. Du fait de leurs origines, de leurs matrices sociales, de leur langue et de leur proximité ou de leur opposition au pouvoir colonial, ou, par la suite, vis-à-vis du pouvoir installé à l'indépendance, dans des conditions tragiques et non consensuelles, elle n'ont pu constituer une entité homogène, capable d'influer sur les événements. Les miroirs aux alouettes est le récit de leur tentative de s'insérer dans le jeu politique comme source de la décision stratégique, une ambition sanctionnée par l'échec. -Quelle est justement, aujourd'hui, la place de l'élite algérienne, en sachant qu'un vent de changement souffle sur la société algérienne ? Les élites semblent aujourd'hui affaiblies, sans voix. Elles n'arrivent pas à communiquer juste et à susciter un écho au sein de la société. Pourtant, le pays dispose, à l'intérieur et à l'extérieur, d'un potentiel élitaire considérable, d'un million d'étudiants et d'une jeunesse branchée sur les NTIC. Pour pouvoir aspirer à jouer les premiers rôles dans le changement démocratique, les élites algériennes sont tenues de travailler à dépasser leur atomisation, à dialoguer entre elles, quelles que soient leurs origines et leur obédience pour trouver un dénominateur commun minimum et de jeter des passerelles vers la société, afin d'asseoir la pratique démocratique sur des bases authentiques. Elles doivent aussi œuvrer pour obtenir une réforme radicale de l'école et à ne compter que sur leurs propres ressources, sans avoir un recours complexé vis-à-vis de l'Occident ou de l'Orient pour conquérir des espaces de pouvoir qui leur permettront, enfin, de vaincre les lobbies de l'ignorance et de faire prévaloir, aux postes de direction de la société, la raison du savoir et de l'intelligence. -Après Les miroirs aux alouettes comptez-vous livrer aux lecteurs une autre production romanesque ou littéraire ? Oui. Le troisième roman de la trilogie est en cours d'écriture. Il a pour titre : Les passions maudites et concerne la période qui va des années 1980 à nos jours, avec la préoccupation de savoir si Novembre a encore une actualité. Après avoir arraché l'indépendance, Novembre pourra-t-il réaliser les deux autres volets de ses promesses : l'instauration d'une République sociale et démocratique, plurielle, développée et réellement libre. Par ailleurs, je dois enfin pouvoir dire que La brèche et le rempart va faire l'objet d'une adaptation cinématographique sur laquelle travaille le cinéaste algérien Karim Traidia dans la perspective du 50e anniversaire de l'indépendance, le dossier a été déposé en juillet dernier à la commission du ministère des Moudjahidine.