Le passage, hier devant le Conseil de la nation, du projet de loi sur la prévention et la lutte contre la corruption a suscité un débat pour le moins chaud. Si certains sénateurs se sont contentés de faire l'éloge du texte tel qu'adopté par l'Assemblée populaire nationale (APN), d'autres n'ont pas hésité à mettre le doigt là où ça fait mal, à savoir l'article 7 du projet de loi, supprimé par les députés. Cet article stipule : « Sans préjudice des peines prévues par la présente loi, l'absence de déclaration de patrimoine dans les délais prescrits entraîne la révocation des fonctions ou la déchéance de mandat électoral. » Mustapha Boudina, du tiers présidentiel, a ouvert une brèche pour les partisans de la relecture du texte de loi afin de trouver une « nouvelle formule » susceptible de combler le « vide » laissé par la suppression de l'article 7. « Sans cet article, je me demande qu'est-ce qui pourrait obliger les agents publics ou les élus de faire, comme tous les autres, leur déclaration de patrimoine ? », s'est-il interrogé, avant de relever la nécessité de mettre en œuvre des mécanismes de contrôle plus pertinents. Le sénateur s'est demandé, au passage, quel est le rôle de la cour des comptes, qui est « dénudée » de toute prérogative pour agir sur le terrain. Mahieddine Amimour, également du tiers présidentiel, a demandé la réinsertion de l'article 7 dans la loi sous une autre formule ou un complément d'information. Même son de cloche chez la sénatrice du RND, Zahia Benarous, qui conditionne la construction d'un Etat de droit par la « récupération de l'article 7 de la corbeille de l'APN ». D'autres intervenants ont soutenu cette proposition tout en insistant sur un travail de fond pour pouvoir mettre en application les différentes dispositions de ce projet de loi. Le sénateur Ahmed Rédha Boudiaf a exprimé son inquiétude quant à la mise en application de cette loi. « J'ai peur que ce nouveau texte de loi, si important, ait le même sort que celui réservé à la loi contre le blanchiment d'argent et celui sur le travail », a-t-il dit sur un ton dubitatif. Il a suggéré d'accompagner cette loi d'un texte d'application qui facilitera un tant soi peu la tâche des magistrats. Mohamed Draoui du RND a lié la réussite de la prévention et la lutte contre la corruption à un certain nombre d'éléments, tels que la révision du statut de la Fonction publique, les salaires... Pour lui, la création d'une instance nationale qui chapeautera cette lutte s'annonce « une bonne chose », mais elle demeure, à ses yeux, insuffisante et doute de son fonctionnement. Dénonçant l'absence de véritables instances de contrôle, il s'est interrogé où est passé le contrôle parlementaire, consacré par la Constitution. Le sénateur Madani Houd trouve, quant à lui, que l'article 7 constitue « une aberration ». Il considère, en revanche, qu'il y a une « maffia qui bénéficie du laxisme de certains responsables de l'Etat ». De son côté, Souilah Boudjemaâ estime que la suppression de l'article 7 ne veut nullement dire que les élus ne sont pas passibles de poursuites judiciaires en cas de découverte d'une fausse déclaration de patrimoine ou d'actes de corruption. Pour étayer ses propos, il cite l'article 37 de la même loi qui stipule : « Est puni d'un emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de 50.000 DA à 500.000 DA tout agent public, assujetti légalement à une déclaration de patrimoine, qui, deux mois après un rappel par voie légale, sciemment, n'aura pas fait de déclaration de son patrimoine ou aura fait une déclaration incomplète, inexacte ou fausse, ou formulé de fausses observations ou qui aura délibérément violé les obligations qui lui sont imposées par la loi et ses textes d'application. » Dans l'article 2 de cette loi, est « agent public, toute personne qui détient un mandat législatif, exécutif, administratif ou judiciaire (...), toute autre personne investie d'une fonction ou d'un mandat (...) ». Pour M. Souilah, l'élu figure dans la deuxième catégorie. Ainsi, la suppression de l'article 7 a fait des pour et des contre. Mais dans les coulisses, la tendance générale est à l'adoption de ce projet de loi. « Nous n'avons pas le pouvoir d'intervenir sur un article, même si c'est pour corriger les erreurs commises au niveau de la Chambre basse. Soit nous acceptons tout ou nous rejetons tout. Je crois qu'il est temps de revoir les missions et les prérogatives du Conseil de la nation », a demandé M. Boudina. Le projet de loi sera soumis au vote des sénateurs ce mercredi.