Les responsables algériens ne sont jamais allés au bout de leurs revendications. Ils n'ont jamais formulé une demande officielle de repentance. La Turquie vient de rappeler au monde entier l'«œuvre» tragique et sanglante de la France coloniale en Algérie. Très remontée contre l'adoption de la proposition de loi réprimant la négation des génocides, dont celui des Arméniens en 1915, Ankara réplique de la manière la plus forte en invitant la France à commencer par elle-même en reconnaissant son «génocide» en Algérie. Le choc est tel que la crise diplomatique s'installe entre les deux Etats «alliés». En parlant de «génocide des Algériens» perpétré par la France coloniale à l'encontre du peuple algérien, Recep Tayyip Erdogan, Premier ministre turc, ouvre une brèche dans laquelle peuvent s'engouffrer les Algériens réclamant depuis de longues années à la France «excuses et repentance». Il n'en fut rien. La voix du Premier ministre turc ne semble pas suffisamment forte pour atteindre l'oreille des responsables algériens, à tous les niveaux. A cette guerre des mots sur notre histoire, Alger ne bronche pas. Elle se mure dans son silence et se complaît dans une attitude de simple observateur ou plutôt de spectateur. Cela aurait été compréhensif si les dirigeants algériens n'ont eu de cesse de réclamer à la France la reconnaissance de ses crimes coloniaux. En mai 2006, dans un discours prononcé à Sétif, le président Bouteflika avait accusé la France d'avoir commis un «génocide identitaire» en Algérie. En juillet de la même année, il avait qualifié la colonisation de «l'une des formes les plus barbares de l'histoire». Des déclarations qui avaient envenimé les relations entre Alger et Paris, qui étaient déjà mal au point depuis l'adoption par le Parlement français de la loi du 23 février de 2005 glorifiant le passé colonial de la France. Une loi qui avait été dénoncée tardivement par l'Algérie. De son côté, le FLN, parti au pouvoir qui se réclame comme l'héritier du FLN historique, s'est élevé contre «cette loi qui consacre une vision rétrograde de l'histoire et condamne cette volonté de justification de la barbarie du fait colonial». D'autres partis, l'Organisation des moudjahidine et celle des enfants de chouhada, avaient également condamné cette loi et demandé des «excuses officielles» de la France. Mais la France n'a jamais voulu se repentir, appelant à ne pas se faire dans le passé et à regarder vers l'avenir. Mais en dehors des discours conjoncturels et occasionnels, les responsables algériens ne sont jamais allés au bout de leurs revendications. Ils n'ont jamais formulé une demande officielle de repentance. Au contraire. Le chef de l'Etat, lui-même, entretient, depuis son accession au pouvoir en 1999, un double discours au gré des circonstances. En 2009, à la veille de la visite de Sarkozy en Algérie, le ministre des Moudjahidine, très discret, avait jeté un pavé dans la mare. «Les Français ne sont pas prêts pour la normalisation des relations, en tout cas pas durant le mandat de M. Sarkozy. Vous connaissez les origines du président français et les parties qui l'ont amené au pouvoir, le lobby juif qui a le monopole de l'industrie en France.» La presse française s'offusque. Le Quai d'Orsay déplore. Et Bouteflika, se démarquant de son ministre des Moudjahidine, l'écarte de la délégation officielle ayant accueilli Sarkozy. Ainsi, le pouvoir algérien, à sa tête le président Bouteflika, n'a de cesse de prouver qu'il a un rapport politicien et démagogique avec l'histoire. Le blocage à l'APN d'un projet de loi initié par une trentaine de députés pour criminaliser le colonialisme français en Algérie est une preuve de plus de l'instrumentalisation de l'histoire à des fins purement politiciennes.