Mouna El Mohammed, 22 ans, a tout d'une militante : l'abnégation, la détermination et l'esprit téméraire. Après trois mois dans l'épicentre de la révolte syrienne, elle crée l'Union des étudiants syriens libres, dont elle est la représentante, et organise sit-in et flashmob afin de sensibiliser l'opinion algérienne. «Quand le Printemps arabe a commencé, je n'ai pas voulu prendre position avant de comprendre ce qui se passait véritablement. Je suis allée en Syrie de mai jusqu'à la fin août 2011», explique-t-elle. Un véritable choc pour Mouna, binationale, étudiante en interprétariat à Alger, qui ne reconnaît plus sa terre d'origine. «La première image qui m'a fait l'effet d'une gifle a été de voir des bus remplis de soldats en civil, mais armés. En Syrie, on ne voit jamais aucun barrage, aucun policier.» Originaire de Dir Ezzour, elle rejoint de la famille à Damas. Elle dépeint un climat lourd de suspicion et de violence constante. «On est constamment surveillés. Le fils se méfie du père tant la suspicion est grande. Chacun peut écrire un rapport et dénoncer un proche», explique-t-elle, avant de poursuivre : «Mon père a été dénoncé par un cousin. Le régime crée tellement de doutes dans les familles qu'on n'ose même plus rêver». Le père de Mouna est lui-même ancien opposant au régime d'Al Assad père. Il a quitté la Syrie à l'âge de 16 ans et est interdit d'entrée. «Au départ, j'avais peur, confie-t-elle, surtout pour ma famille.» En effet, dès le début de la révolution, des centaines de personnes ont payé au prix fort leur engagement. Les enfants de Deraa en sont le témoignage le plus accablant. «Mon oncle a un jour critiqué Al Assad dans un taxi ; on est venu le chercher à 3h du matin !», raconte la jeune fille. Un soir, alors qu'elle prend des photos à Dir Ezzour, elle reçoit un coup dans le dos. Abandonnant ses affaires sur place, elle s'enfuit. «Si on ne m'attrape pas, on ira chercher des membres de ma famille, je préfère les épargner.» Dès lors, elle coupe les ponts avec sa famille, ne donne plus de nouvelles et se montre prudente. «Ça me fait un peu mal au cœur, mais il faut faire des sacrifices.» Son combat démarre. «J'ai quitté l'Union nationale générale des étudiants du Baath, dont j'étais membre auprès de l'ambassade, et annoncé la création de l'Union des étudiants syriens libres.» Représentante officielle de l'Union, elle crée une antenne en Algérie. La première de nombreuses antennes dans plusieurs régions du monde. Des activités telles que des sit-in ou des flashmob sont organisées. «Il est difficile de militer en Algérie par rapport à la décennie qu'a vécue le pays. A chaque fois, on doit demander l'autorisation, ça nous ralentit beaucoup», avoue-t-elle. Lundi dernier, des membres de l'Union décident de s'installer devant l'ambassade de Syrie en Algérie jusqu'au départ de l'ambassadeur, mais il ont été dispersés par les agents de l'ordre. «Je ne sais pas de quel droit on nous en interdit l'accès alors que l'ambassade est la nôtre, s'étonne-t-elle. L'un des policiers nous avait pourtant expliqué qu'on pouvait faire ce qu'on voulait devant notre ambassade et prévenu qu'ils ne pourraient pas intervenir si on nous tirait dessus dans l'enceinte de l'ambassade, alors que certains membres avaient réussi à s'y introduire.» Mouna se fait volubile et l'agacement se lit sur son visage. «Des papiers, des dossiers et des passeports de militants disparaissent mystérieusement», raconte-t-elle en énumérant les cas parmi les membres de l'Union. A des milliers de kilomètres de la Syrie, la jeune fille vit quand même des pressions de la part de l'ambassade ainsi que certains Syriens, mais convaincue de la justesse de son combat et soutenue par son père, elle déclare en souriant : «Je fais confiance à l'Algérie.»