Les dirigeants européens ont menacé hier lors de leur sommet à Bruxelles le régime de Damas de poursuites devant la justice internationale pour les «atrocités» commises. «On rassemble un dossier pour qu'un jour ou l'autre justice soit faite», a déclaré le président du Conseil de l'UE, Herman Van Rompuy. Et d'ajouter : «On a psychologiquement franchi un pas supplémentaire, non seulement ils sont responsables des atrocités, mais un jour ils devront se justifier devant une cour.» Une saisine de la Cour pénale internationale (CPI) à l'heure actuelle est difficilement envisageable. La juridiction ne peut d'elle-même ouvrir une enquête, car Damas n'a pas signé la convention qui lui a donné le jour. Pour contourner cette difficulté, il faut obtenir une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU où la Syrie bénéficie jusqu'ici du soutien de la Russie et de la Chine. L'UE a aussi confirmé qu'elle reconnaît le Conseil national syrien (CNS), principale instance de l'opposition, comme «un représentant légitime» des Syriens. De son côté, le Premier ministre britannique, David Cameron, a accusé hier le président syrien Bachar Al Assad de «massacrer son propre peuple» et estimé que «l'histoire de Homs est écrite dans le sang de ses habitants», à propos de l'ancien bastion de la rébellion dont l'armée syrienne a repris le contrôle. «Nous ferons en sorte que des comptes soient rendus un jour, comme nous l'avons fait en Serbie», a-t-il averti. Allusion aux procès intentés par la justice internationale à plusieurs anciens responsables militaires et politiques à Belgrade pour leurs agissements lors des guerres de l'ex-Yougoslavie. A son tour, le président français Nicolas Sarkozy a annoncé le même jour la fermeture de l'ambassade de France en Syrie en dénonçant le «scandale» de la répression conduite par le régime. Il a aussi proposé qu'au moins aux frontières du pays «des zones humanitaires soit organisées pour qu'on puisse accueillir des gens qui sont persécutés». Sur la question relative à une éventuelle fourniture d'armes à l'opposition, le président français s'est déclaré «favorable à passer un cran supplémentaire s'agissant de l'aide aux démocrates en Syrie» à condition que le Conseil de sécurité donne un cadre juridique qui le permette. Pour Washington, les jours d'Al Assad «sont comptés» Dans un entretien publié hier par le magazine The Atlantic, le président américain Barack Obama a relevé que la question n'est pas de savoir «si» mais «quand» le régime du président Bachar Al Assad va tomber. «Nous estimons que les jours» du président Al Assad «sont comptés. La question n'est pas de savoir si mais quand» le régime tombera, a déclaré le président Obama. Il a reconnu que la situation en Syrie était différente de celle qui prévalait en Libye avant la chute de Mouammar El Gueddafi l'an dernier. «Elle est rendue plus difficile par le fait que la Syrie est un pays beaucoup plus grand, plus sophistiqué et plus compliqué», a observé Obama, tout en notant que l'opposition syrienne est «terriblement divisée». Face à l'opposition de la Chine et de la Russie à une résolution de l'ONU, le président américain a indiqué qu'avec le reste de la communauté internationale, les Etats-Unis s'efforcent de mettre en place une intervention humanitaire en Syrie. Cette stratégie «peut aussi accélérer une transition en direction d'un Etat syrien stable et représentatif», a ajouté le président américain. Pour sa part, le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, a affirmé entre-temps dans une interview à des médias étrangers et publiée sur le site du gouvernement russe que son pays n'a «aucune relation particulière avec la Syrie». Il a justifié le veto de son pays aux propositions occidentales par une position de principe face à une situation de «guerre civile». «Nous n'avons aucune relation particulière avec la Syrie. Nous avons une position de principe sur la manière de régler de tels conflits et nous ne nous prononçons pas pour l'une ou l'autre partie», a assuré Vladimir Poutine. «Le principe consiste à ne pas encourager un conflit armé et à contraindre les parties à s'asseoir à la table des négociations et à s'accorder sur les conditions d'un cessez-le-feu», a ajouté le Premier ministre. «Ce qui se passe là-bas, c'est une guerre civile. Notre objectif, c'est (...) qu'une solution soit trouvée entre Syriens», a relevé le Premier ministre russe. Sur la question de l'avenir de Al Assad. Poutine s'est refusé à toute marque de soutien. «Je n'en sais rien et je ne peux pas faire de telles appréciations», a-t-il dit. Une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l'ONU sur la Syrie en faveur d'un cessez-le-feu humanitaire est en préparation à New York. Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a lancé mardi un appel à la Russie et à la Chine à s'abstenir d'utiliser une nouvelle fois leur droit de veto. Au sujet des relations russo-syriennes Vladimir Poutine a déclaré : «Je ne sais pas pour combien nous vendons d'armes là-bas. Nous avons des intérêts économiques en Syrie, mais sans doute pas plus que la Grande-Bretagne ou n'importe quel autre pays d'Europe», a-t-il dit. «De plus, quand Al Assad est devenu président, il s'est rendu d'abord en France, en Grande-Bretagne et dans d'autres pays. D'après moi, il est venu à Moscou seulement environ trois ans après son élection.» Dans un article publié fin février dans un média russe en vue de l'élection présidentielle de dimanche, Vladimir Poutine a accusé les pays occidentaux de privilégier l'opposition syrienne au détriment du régime de Bachar Al Assad, et mis en garde contre toute ingérence en Syrie.