L'écoconstruction a fait une entrée remarquée au 15e Salon international du bâtiment, des matériaux de construction et des travaux publics Batimatec qui s'est tenu du 3 au 7 mai derniers à la foire d'Alger (Safex). Plus d'une quinzaine de conférences lui ont été consacrées tout au long des trois journées techniques organisées par la société Batimatec Expo en marge de cette manifestation. L'architecture bioclimatique, le recours aux matériaux de construction biosourcés et le «green building» (bâtiment vert) ne sont plus envisagés comme un luxe susceptible d'intéresser seulement quelques idéalistes fervents de l'écologie ou des gens fortunés, mais comme des solutions salvatrices en faveur d'un pays qui a besoin de préserver son environnement, d'utiliser avec parcimonie les énergies fossiles en phase d'épuisement et, bien entendu, de faire des économies en matière de dépenses d'éclairage et de chauffage. Toute une panoplie de techniques et de moyens de réalisation a été mise en exergue par les différents intervenants pour démontrer les bienfaits de certains matériaux locaux (terre, pierre, plâtre, chaux, etc.) et autres produits de récupération (papier, sciure, résidus d'olives, paille, etc.) qui peuvent être utilement recyclés en tant que matériaux de construction ou comme moyens d'isolation thermique et acoustique d'une redoutable efficacité, comme ont eu à le constater certains promoteurs, notamment français et allemands, qui ont déjà tenté l'expérience. L'Algérie commence elle aussi à s'intéresser de plus près aux matériaux biosourcés auxquels des chercheurs, tels que Aïcha Boussoualim de l'EPAU et Mohamed Dahli de la faculté du génie de la construction de Tizi Ouzou, ont déjà consacré de forts intéressants travaux. Le «green building» a également fait une remarquable entrée dans notre pays à travers le projet des 600 logements de Souidania entrepris par l'Etat avec la contribution de l'Union européenne et plus de 5000 autres projets d'habitat répartis sur plusieurs wilayas, qui seront très prochainement entamés avec le souci de réduire aussi bien les dépenses d'énergie que la dégradation de l'environnement. Le recours aux énergies renouvelables, notamment solaire, aux matériaux de construction traditionnels (pierre, terre stabilisée, chaux et plâtre), ainsi qu'aux isolants tirés de produits recyclés (papier journal, grignon, sciure, etc.) sera systématique dans tous ces projets pilotes. Une véritable prise de conscience des enjeux de l'écoconstruction est aujourd'hui perceptible, aussi bien au niveau de l'Etat qui a beaucoup avancé sur le plan de la législation (une loi et plusieurs décrets d'application ont été publiés à partir de l'année 2009), que chez les maîtres d'ouvrage et architectes qui commencent à placer l'économie d'énergie et la préservation de l'environnement au tout premier rang de leurs préoccupations. L'investissement supplémentaire à consentir ne dépassant guère 300 000 DA par logement (une bonne partie du surcoût est prise en charge par l'APRUE), le pari mérite effectivement d'être tenté, sachant que la dépense supplémentaire engagée a toutes les chances d'être amortie dans une période relativement courte. Dans un pays qui compte réaliser plus de deux millions de logements dans le cadre du plan quinquennal en cours et rénover des milliers d'immeubles anciens, le marché de l'écoconstruction a, à l'évidence, de beaux jours devant lui avec, à la clé, d'importantes commandes à offrir aux architectes et entrepreneurs concernés. D'où leur engouement et celui des partenaires étrangers, nombreux à vouloir accompagner les promoteurs publics et privés algériens dans cette palpitante aventure de l'écoconstruction et du «green building». D'importantes questions ont été posées à l'occasion des débats, parmi lesquelles on a pu retenir celle relative aux prix exagérément bas des produits énergétiques (électricité, gaz, fuel) qui n'incitent pas à développer l'écoconstruction pour réduire le coût de la consommation d'énergie. Ce n'est qu'à partir du moment où les prix des produits énergétiques seront fixés par le marché et non pas par l'Etat qu'il y aura volonté de se lancer dans l'écoconstruction et les énergies renouvelables qui requièrent beaucoup d'investissements. Il a également été question des maîtres d'ouvrage et maîtres d'œuvre qui font peu de communication en faveur de l'écoconstruction et qui continuent à reproduire les mêmes erreurs que par le passé. Le ministère concerné doit donner des directives fermes dans le sens de la promotion de l'écoconstruction. Il a, enfin, été fait état de l'absence d'une institution chargée du contrôle de la mise en œuvre de la loi sur l'environnement et ses divers textes d'application, notamment dans l'écoconstruction, en suggérant de confier cette prérogative au CTC.