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Un emblème de la littérature à venir
Maurice Blanchot, écrivain iconoclaste et pudique
Publié dans El Watan le 02 - 03 - 2006

Décédé le jeudi 20 février 2003, il y a un peu plus de trois ans, l'écrivain Maurice Blanchot, figure énigmatique s'il en fut, aura hanté le XXe siècle par ses textes critiques, ses récits, ses engagements successifs et par son retrait de la scène médiatique.
Ainsi, à l'instar de Julien Gracq ou de Claude Simon, ses contemporains, il cultiva le secret ou plutôt la retenue, un mélange de pudeur et de sévérité morale, qui enjoignent de ne pas paraître, de ne pas associer son image à son œuvre afin qu'elles ne se confondent pas ; retenue enfin comme l'on dit une « retenue collinaire d'eau », réserve naturelle et qui se voudrait inépuisable, recueillement sans fin. Ainsi, sa mort n'a-t-elle été annoncée que plusieurs jours après son enterrement, le lundi 24 février 2003. Ce « délai », cette distance est celle qui permet d'envisager un rapport au monde, qui ne soit pas dans l'immédiateté, la vitesse et la compulsion. Mais qui était-il vraiment ? Il n'aura eu de cesse de provoquer le malentendu, d'induire en erreur ses contempteurs qui cherchent à le réduire à une posture, une certaine écriture, quelques livres. Sa vie et son œuvre, s'ils témoignèrent d'engagements extrêmes et de repentirs lourds, auront durablement influencé nombre des plus grands écrivains de la deuxième moitié du XXe siècle. De Sartre à Camus, de Foucault à Derrida - les philosophes qui bouleversèrent la pensée française au début des années 1960 -, de Levinas à Bataille, qui furent ses véritables compagnons, pour tous ceux-là, il était le cœur exigeant, intriguant aussi, d'un certain rapport à l'écriture, à la pensée, et partant, au monde. On peut dire alors que sa vie et son œuvre s'articulèrent en trois mouvements.
Mouvement I
Né en 1907, il fit des études de philosophie et de littérature allemande à l'Université de Strasbourg, au milieu des années 1920. Esprit extraordinairement brillant mais rétif au système universitaire comme au prestige vain des titres académiques, il abandonne ses études et s'engage dans le journalisme, puis dans l'écriture comme on rejoint un ordre religieux. Il est à Paris, écrit dans d'obscures revues et journaux se rattachant à l'extrême droite. Sa pensée alors rejoint ceux que l'on appelle « les non-conformistes », ces jeunes intellectuels fougueux qui vivent dans le souvenir de la Première Guerre mondiale et de la capitulation honteuse. Ils rejettent la démocratie, font l'éloge de la pureté de la pensée contre l'impureté des masses, certains en appellent même à la restauration de la monarchie. Pour cela, il faut renoncer au dialogue, à la modération et privilégier l'action, serait-elle violente, quitte à ce que cela ne soit pas « de tout repos, mais justement il ne faut pas qu'il y ait de repos. C'est pourquoi le terrorisme apparaît actuellement comme une méthode de salut public », écrit Blanchot en 1936 dans un éditorial d'une violence inouïe. Ces intellectuels, dans une surenchère rhétorique permanente, sont à la fois fascinés et révulsés par les figures du fascisme européen (Hitler, Mussolini, Franco) qui incarnent la radicalité de l'action.
Mouvement II
La catastrophe de la Deuxième Guerre mondiale va tout bouleverser chez Blanchot. Le Mal en acte, sa possibilité désormais incarnée, vont introduire chez lui une ligne de démarcation claire. Désormais, il reviendra à la littérature d'être le lieu de la pensée du désastre, « un lieu où la philosophie n'aurait pas été capable de se situer elle-même » comme l'explique Derrida. Dans l'après-guerre et jusqu'à la fin des années 1950, Blanchot se « retire » dans le sud de la France, au village d'Eze, là-même où avait séjourné Nietzsche lorsqu'il écrivit Ainsi parlait Zarathoustra. C'est l'époque des grands livres de critique littéraire. Gaston Gallimard lui ayant accordé une sorte de pension, il vit reclus, dévorant les livres, composant des textes où il s'avance toujours plus en avant dans l'espace littéraire et définit ce que sera Le livre à venir, qui sont ses deux grands ouvrages d'introspection littéraire. Car celui qui entre dans le royaume de l'écriture, doit composer avec les faux-semblants et l'invraisemblable, l'incarnation et les fantômes, l'oubli et le souvenir. Voilà aussi pourquoi Blanchot a tant écrit sur les spectres, la disparition et l'absence. Le livre à venir s'ouvre sur un texte merveilleux : « La rencontre de l'imaginaire », méditation inouïe de simplicité et de profondeur sur le sortilège de la littérature et le fait que l'écrivain doit impérativement se confronter, comme Ulysse, aux chants des Sirènes. Ses modèles sont Proust, Borges qui est un « homme essentiellement littéraire - ce qui veut dire qu'il est toujours prêt à comprendre selon le mode de compréhension qu'autorise la littérature ». De longues pages sont consacrées aux écrivains allemands qui ont sa préférence : Musil, Hesse et surtout Rilke et Kafka. Mais l'engagement politique ne le laisse pas en paix. L'avènement du pouvoir autoritaire du général de Gaulle l'amène, en 1958, à monter au créneau en compagnie de René Char, et de bien d'autres. Depuis sa maison, Blanchot est à la fois absent et présent. Sa parole, ses mots et son autorité sont naturels. Il sera alors un des principaux rédacteurs du Manifeste des 121 sur l'Algérie. C'est lui qui trouve le titre, qui réécrit la dernière version du texte en remplaçant « devoir d'insoumission » par « déclaration sur le droit à l'insoumission ». Plus tard, lors des événements de Mai 1968, il sera au front, silhouette discrète et anonyme (Foulcaut, qui l'a beaucoup lu, le croise et ne le reconnaît pas, ne l'ayant jamais vu !), rédigeant nombre de tracts, étant à l'origine de nombreux slogans (« La liberté est la liberté de tout dire ! »), même s'il révisera sa position à l'égard du mouvement.
Mouvement III
Mais le souvenir des camps de concentration et celui de l'extermination des juifs sont trop douloureux pour lui qui faillit être exécuté par les Allemands (épisode qu'il raconte dans son tout dernier texte « L'instant de ma mort », paru en 1994). Il vit avec cette obsession que le langage dans sa continuité ne peut plus raconter le monde et ses déchirements. Déjà, en 1958, dans Le livre à venir, analysant La mort de Virgile d'Hermann Broch, il avait cette intuition que « nous vivons dans une discordance prodigieuse. L'homme est épars et discontinu, et non pas momentanément, comme cela s'est produit à d'autres époques de l'histoire, mais à, présent c'est l'essence même du monde d'être discontinu ». Ce sera l'époque des livres à l'écriture fragmentaire qui culmine en 1980 avec L'écriture du désastre. Il invente une écriture à la fois hiératique, mais ondoyante, empreinte d'une douleur tenue et d'une force intérieure impressionnante. Cette exigence et ce retrait lui donnent un surplus d'autorité, comme une sagesse ultime dans les années 1980, où il n'apparaît plus, ne voit plus personne, mais revient au débat public par intermittences et sous des modes qui peuvent paraître curieux. Ainsi, lors de l'affaire des Versets sataniques, interrogé par Bernard-Henri Lévy, il envoie un texte étonnant où il écrit : « J'invite chez moi Rushdie (dans le sud). J'invite chez moi le descendant ou successeur de Khomeiny. Je serais entre vous deux, le Coran aussi. Il se prononcera. Venez. » Christophe Bident, auteur de la seule biographie qui lui est consacré, et un des plus justes commentateurs de son œuvre, élucide cette phrase en ces termes : « Invitation étonnante pour une rencontre improbable. Que signifie cette position médiane commune à Blanchot et au Coran ? (...) Qui oppose-t-elle ? Le justicier et le coupable ? » C'est le livre qui est le médian, auquel Blanchot ne finit pas d'accorder une « toute-puissance », peut-être illusoire, certainement pleine de promesses. Lui qu'on a accusé de nihilisme lorsqu'il tentait de définir ce que serait « le dernier homme du dernier livre », augurant la fin d'un certain rapport à l'écriture et aux livres, dessinant les lignes fuyantes d'un horizon ouvert.


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