Sept jours pour débattre des problèmes que vit actuellement le Liban. C'est le délai que se sont accordé les différents chefs politiques libanais, sans toutefois toucher aux questions qui fâchent selon la formule consacrée, et encore moins à l'ossature du système politique et institutionnel qui a survécu à quinze années de guerre civile. C'est justement cette expérience douloureuse qui s'est achevée comme elle a commencé, c'est-à-dire sans vainqueur ni vaincu, qui a été prise en considération par la classe politique libanaise. Ce qui a alors laissé libre cours aux tractations et autres marchandages, voire même des alliances jusque-là inimaginables. Bref, toutes les facettes de la politique. En ce sens, le président du Parlement libanais, Nabih Berri également chef du mouvement Amal et initiateur de ce dialogue, a déclaré samedi soir à la presse que celui-ci se poursuivra jusqu'à jeudi « pour aboutir à un accord » sur les points à l'ordre du jour. Le premier dossier, la constitution d'un tribunal international pour juger les meurtriers de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, a été adopté à l'unanimité, a rappelé M. Berri, porte-parole de la conférence de dialogue. Il a confirmé que les deux autres dossiers, les plus épineux, étaient en cours de discussion : la poursuite de l'application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU et les relations libano-syriennes. La résolution 1559 comporte en substance un appel au désarmement du Hezbollah, seule formation libanaise disposant d'une branche armée pour faire face à Israël dans le secteur occupé des fermes de Chebaâ (sud) et des organisations palestiniennes présentes au Liban. La majorité parlementaire estime en outre que la poursuite de l'application de cette résolution stipule le départ du président Emile Lahoud, dont le mandat a été, selon elle, illégitimement prorogé de trois ans le 3 septembre 2004 par le Parlement libanais, par le biais d'un amendement exceptionnel de la Constitution. La résolution 1559 adoptée la veille de cet amendement avait mis en garde contre le non-respect de la Constitution libanaise dont le texte initial interdit le renouvellement du mandat du président de la République. Selon le journal Al Mostaqbal, qui appartient à la famille Hariri, « une unanimité est en train de se constituer sur la nécessité d'un départ de M. Lahoud », ce qui a été démenti en substance dans un communiqué par le ministre de l'Information Ghazi Aridi. Ce dernier représente à cette conférence le chef druze Walid Joumblatt, en visite de travail aux Etats-Unis et à l'Onu. « Les affirmations selon lesquelles il y a eu accord à l'unanimité sur la demande de la majorité (parlementaire antisyrienne) d'un départ du président Lahoud ou sur le dossier des fermes de Chebaâ sont dénuées de fondement », a affirmé M. Aridi. Un autre sujet controversé attend également les participants : les relations libano-syriennes. Selon la presse, c'est un ton conciliant qui prévaut, notamment de la part du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a assuré que son parti « ne chercherait pas à transformer le Liban sud en un nouveau Vietnam ». Un dialogue courtois s'est établi entre les deux parties les plus antagonistes, le chef du Hezbollah, fer de lance du combat armé contre Israël et Samir Geagea, chef du parti chrétien des Forces libanaises (FL), qui fut un allié de l'Etat hébreu. M. Geagea a salué l'attitude du chef du Hezbollah qui a accepté de discuter de tous les sujets sans tabou. M. Berri a déclaré qu'en cas d'accord, les décisions de la conférence de dialogue « seront considérées comme des annexes aux accords interlibanais de Taef (1989) », qui avaient mis fin à la guerre civile interlibanaise. Il a également estimé qu'un nouvel accord interlibanais « servira de base à la reprise d'une initiative arabe » qui vise à régler les contentieux entre le Liban et la Syrie. Le président syrien Bachar Al Assad a qualifié de « pas positif » le dialogue interlibanais. « Le dialogue qui se poursuit aujourd'hui au Liban est un pas positif et raisonnable », a-t-il dit, affirmant que « la Syrie et le Liban sont deux pays frères qu'il est impossible de séparer ». Cette atmosphère s'est répercutée sur le marché boursier où la valeur phare, l'action Solidaire s'est appréciée entre jeudi et vendredi de 11%, passant de 20,50 USD à 22,83 USD. Selon l'économiste Michel Trad, « les marchés financiers sont en train d'anticiper positivement les résultats de ce dialogue, qui a provoqué une décrispation après des mois de crise ». C'est là une vision franchement optimiste, mais un optimisme fondé, c'est-à-dire qui a sa raison d'être. Reste maintenant à savoir si la classe politique prendra aussi sur elle d'accompagner ce formidable mouvement qui a réuni il y a une années des centaines de milliers de Libanais sans considération de leur confession ou de leurs sensibilités politiques.