Qamra, village situé dans le territoire de la commune de Aïn Rich, à 200 km au sud-ouest du siège de la wilaya, bâti dans le contrefort du massif montagneux le plus redouté de la région, en l'occurrence Djebel Boukhil et à la faveur de la visite du wali de M'sila dans cette zone le 20 février dernier, semble avoir rompu définitivement avec l'isolement qui l'a caractérisé depuis plus de quinze années. En s'y rendant à travers la route la plus meurtrière pour être le lieu de prédilection des terroristes pour semer des bombes et faire le maximum de victimes, on est terrifié à la seule idée que cette zone continue à être écumée par le terroristes et qu'on pourrait à tout moment sauter sous l'effet d'une bombe. Rien n'y fut jusqu'à notre arrivée à Qamra, où une partie de la population, celle qui n'a pas fui les affres du terrorisme, attendait en cette journée glaciale de février, cette visite, par curiosité pour les uns après le long isolement dans lequel s'est confinée cette population, par souhait pour les autres d'être soustraits aux conditions de vie insoutenables que l'omniprésence des groupes terroristes a exacerbées, jusqu'à ce que les deux tiers de cette population, nous dira un enseignant, eurent été contraints à s'exiler. « Cette population, qui est demeurée à Qamra, a soutenu cet enseignant, a été réduite à la misère conséquemment aux exactions terroristes, s'appropriant denrées alimentaires, argent et bétail des petites gens qui ne vivaient que de l'élevage. » Outre l'hostilité du paysage, on avait constaté que ces gens étaient un peu méfiants par le fait que les quelques citoyens que nous avons approchés se sont aussitôt éloignés sans même nous répondre sauf pour un collégien qui a (daigné nous répondre) évoqué les conditions pénibles de scolarité où le transport demeure un véritable calvaire. Cette méfiance semble être forgée des conditions de vie difficiles au milieu d'une zone truffée de terroristes où la mort plane sans discontinuité. Il se peut que cette méfiance tire son origine de la peur qu'encourent ces citoyens face aux représailles des terroristes avec ceux qui montrent une certaine sympathie envers les étrangers, en leur parlant par exemple. Cette hypothèse semble tenir la route par le fait que personne dans le village n'a osé répondre à nos questions sur les conditions de vie que mène cette population, qui a tout l'air d'être hors du temps depuis des années. Il a fallu qu'un enseignant du village se déplace jusqu'à Aïn Melh, environ 70 km pour nous exposer par téléphone la situation prévalant dans ce village. D'emblée, cet enseignant a commencé par nous exposer chronologiquement les événements qui ont marqué à jamais la mémoire de la population de Qamra : 30 avril 1997 : 9 morts, à la suite de l'explosion d'une bombe, après le passage d'un camion de la garde communale ; 27 juin 1997 : 4 citoyens égorgés dans la zone de Hania El Beïda, surpris par les terroristes en train de travailler dans leurs vergers ; 7 décembre 1997 : 10 gardes communaux tués dans une embuscade, ils se déplaçaient par tracteur ; 8 mars 1998 : 5 citoyens tués à la suite de l'explosion d'une bombe ; juin 1998 : 4 citoyens tués dans un faux barrage ; décembre 2001 : 7 citoyens tués à la suite de l'explosion d'une bombe semée sur la seule route de Qamra juin 2003 : 4 citoyens assassinés dont le vice-président de l'APC de Aïn Rich dans la zone de Redjel Ziane, soit un total de 42 citoyens tués dans la période allant d'avril 1997 à juin 2006. Les habitants de Qamra, nous dira cet enseignant, ont besoin d'un programme de rattrapage, qui permettra à cette population de se soustraire à l'exclusion. Cette population, qui aspire à aller de l'avant, se trouve confrontée à un problème d'une autre nature, qui est celui du refus des entreprises de venir à Qamra pour la concrétisation de projets, notamment la réalisation de la route Qamra-Aïn Rich sur 20 km, qui n'a pas connu à ce jour un début d'exécution. Qamra se trouve présentement après le terrorisme, face à un autre défi, celui du développement.